"Il y a une vraie pénurie de médecins spécialistes dans toute l'Afrique de l'Ouest"
Alors que le Sénégal tente d'en finir avec les déserts médicaux en créant de nouveaux hôpitaux et en accélérant la formation des médecins, l'accès aux soins est encore inégal dans les quatre coins du pays.
La santé est encore fragile. Si l’accès aux services de santé s’est amélioré au Sénégal, les déserts médicaux et le manque de spécialistes rappellent le besoin de poursuivre la politique d’investissements massifs dans le secteur sanitaire. Malgré l'inauguration récente de l'hôpital régional de Touba, le service public de santé sénégalais est encore loin de répondre aux besoins de la population. Pour savoir comment le pays peut se débarrasser de ses immenses déserts médicaux, AlloDocteurs Africa a rencontré Olivier Picard, le patron d'Ellipse Projects, la PME française qui a livré clé en mains les quatre derniers hôpitaux du pays. Entretien.
AlloDocteurs Africa : Malgré l'ouverture récente de 4 nouveaux hôpitaux au Sénégal, l'accès aux soins y est encore inégal. Comment l'expliquez-vous ?
Olivier Picard : De manière générale, il faut bien comprendre qu'en Afrique, les besoins en infrastructures générales sont à peu près 10 à 20 fois plus importants que les financements disponibles pour les réaliser. L'Afrique est un continent très jeune. Les besoins en santé deviennent des sujets politiques dès qu'un pays fait face à une épidémie ou que sa population vieillit. Les populations africaines sont très jeunes. Du coup, la pédiatrie et la gynécologie sont des spécialités importantes. Mais à cause des dernières épidémies observées en Afrique, il y a eu une prise de conscience depuis quelques années.
On a donc récemment construits les quatre hôpitaux au Sénégal, mais ce n'est évidemment pas suffisant pour avoir un accès égal aux soins. Heureusement, un plan de modernisation et de création de nouveaux hôpitaux est prévu dans tous les pays de la sous-région, notamment au Sénégal. Sauf qu'au-delà des infrastructures, il y a aussi un problème de formation qui est important. Car c'est bien d'avoir des hôpitaux, mais encore faut-il avoir le personnel soignant nécessaire pour assurer leur fonctionnement. Aujourd'hui, il y a des plans de formation qui sont mis en place. Mais il est toujours difficile de former des spécialistes.
A.D.A : Le Sénégal manque justement cruellement de médecins spécialistes. Qui va assurer les soins dans les nouvelles structures ?
O.P : C'est un vrai problème. Je pense que du côté des médecins généralistes, ça va. Mais au niveau des spécialistes, il y a une vraie pénurie dans toute l'Afrique de l'Ouest. Et comme la plupart des spécialistes sont formés en Europe, bon nombre d'entre eux pratiquent sur place. Il y a aujourd'hui des réflexions qui sont menées dans différents pays de la sous-région pour former localement des médecins spécialistes.
A.D.A : La banque mondiale recommande que 10% du budget de l'Etat soient consacrés aux dépenses de santé. Mais aucun pays africain ne s'y tient. Comment ouvrir de nouveaux hôpitaux dans ces conditions ? Est-ce que vous participez au financement ?
O.P : On fait des hôpitaux clé en mains, et on apporte des financements avec nous. Ce sont des investissements européens en général qui sont très intéressants, au niveau du taux du crédit. C'est-à-dire que les pays africains empruntent à des taux européens, alors que s'ils empruntaient à des taux africains, ce serait beaucoup plus cher. Les quatre hôpitaux au Sénégal ont été faits à l'aide d'un financement français.
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