Pourquoi accorde-t-on si peu d'attention aux maladies tropicales négligées ?
Les maladies tropicales négligées touchent des millions de personnes en Afrique. Pourtant, les différents gouvernements du continent s'intéressent très peu à ces pathologies.
Bilharzioze, ulcère de buluri, trachome, dengue, maladie du sommeil, lèpre... Les maladies tropicales négligées touchent des millions de personnes en Afrique. Pourtant, les efforts d’éradication et d’atténuation des souffrances qu’elles causent reçoivent peu d’attention au niveau national. A l'occasion d'un entretien accordé à l'Organisation mondiale de la santé, le Professeur Nicholas Midzi, spécialiste de la chimiothérapie préventive des maladies tropicales négligées et directeur de l’Institut national de recherche pour la santé au Zimbabwe, analyse les facteurs qui contribuent à la faible priorité accordée à ces maladies et les moyens d’inverser la tendance.
OMS : Qu’est-ce qui explique la faible priorité accordée aux maladies tropicales négligées ?
Pr. Nicholas Midzi : Les maladies tropicales négligées sont ainsi désignées parce qu’elles sont reléguées au bas de la liste des priorités de l’action sanitaire au niveau mondial. Aujourd’hui encore, l’accent est mis sur la couverture sanitaire universelle, mais les allocations de ressources aux programmes de lutte contre les maladies tropicales négligées sont limitées et ces programmes sont pratiquement ignorés par les organismes de financement mondiaux. C’est le cas alors même que les maladies tropicales négligées touchent plus d’un milliard de personnes dans le monde entier, avec un impact socioéconomique dévastateur sur les communautés affectées.
Le personnel de santé étant déjà insuffisant dans de nombreux pays africains, la mise en œuvre de programmes de santé dans les régions où les maladies tropicales négligées sévissent avec acuité – souvent des localités situées en zone rurale, difficiles d’accès ou affectées par un conflit – est un grand défi à relever. L’exécution de projets à grande échelle d’adduction d’eau potable et d’assainissement dans les zones rurales est entravée par les coûts généralement inabordables des matériaux de construction et par les frais liés à la rémunération des experts, tels que les ingénieurs en infrastructures d’eau, d’assainissement et d’hygiène.
Les pays sont également confrontés à des priorités sanitaires multiples, notamment la lutte contre les flambées épidémiques, les pandémies telles que celle de la Covid-19 et les catastrophes naturelles. Bien que ces priorités soient essentielles et nécessitent une réponse rapide, elles détournent les ressources nationales des maladies tropicales négligées, laissant les populations vulnérables encore plus exposées aux effets débilitants de ces maladies.
Les infections dues aux maladies tropicales négligées – à l’exception de la rage et des morsures de serpent – sont moins aiguës dans la mesure où la plupart d’entre elles entraînent des taux de létalité moins élevés. Une priorité élevée et des réponses sanitaires nationales plus vigoureuses qui déclenchent une allocation budgétaire de l’État sont accordées aux maladies associées avec des taux de létalité élevés – des maladies qui peuvent rapidement paralyser des secteurs clés tels que le tourisme et ravager l’économie.
OMS : Quel est l’impact de cette faible priorité accordée aux maladies tropicales négligées ?
Pr. N.M : Le faible niveau de priorité accordé aux maladies tropicales négligées signifie que peu de personnes, voire aucune, reçoivent les soins de santé et le soutien dont elles ont besoin. Des maladies telles que l’éléphantiasis et la cécité dus au trachome entraînent une incapacité à vie et compromettent considérablement les moyens de subsistance, les personnes touchées ayant une capacité réduite à mener des activités économiques.
De nombreuses maladies tropicales négligées sont de nature chronique, ce qui signifie que les complications et les morbidités se manifestent de nombreuses années après l’infection. Par exemple, l’éléphantiasis ou l’hydrocèle due à la filariose lymphatique et le trichiasis, une complication du trachome cécitant, sont observés principalement chez les adultes, même lorsque la maladie a été acquise à un âge plus précoce. La dépendance des personnes affectées qui en résulte pèse lourdement sur l’économie des ménages et l’impact socioéconomique est considérable dans les communautés déjà marginalisées.
Source : OMS
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