Non, les vaccins infantiles ne sont pas liés à l'augmentation de la mortalité

Que ce soit au Sénégal, au Maroc, en Côte d'Ivoire ou aux Comores, les programmes de vaccinations ciblent généralement une dizaine de maladies infantiles, dont notamment la rougeole, la méningite, la diphtérie et le tétanos. Mais depuis quelques semaines, des publications sur les réseaux sociaux relaient une étude biaisée qui établit, à tort, un lien entre vaccination et mortalité infantile. Explication.

Badr Kidiss avec AFP
Badr Kidiss avec AFP
Rédigé le , mis à jour le
Un enfant qui reçoit un vaccin oral contre la polio
Un enfant qui reçoit un vaccin oral contre la polio

"Les vaccins infantiles liés à l'augmentation de la mortalité toutes causes confondues, selon de nouvelles recherches", avance le titre d'une tribune initialement publiée en anglais le 1er août dernier sur le site Children's Health Defense, une organisation américaine anti-vax. 

Largement relayée sur les réseaux sociaux sous la forme d'une capture d'écran, cette tribune est notamment accompagnée de la légende suivante : "Les pays développés nécessitant le plus de doses de vaccin néonatal ont tendance à avoir les pires taux de mortalité infantile, selon une étude évaluée par des pairs publiée le 20 juillet dans Cureus Journal of Medical Science". Mais le hic est là. L'étude sur laquelle s'appuie ces affirmations a été publiée dans Cureus, une plateforme en libre accès mettant en ligne des publications médicales. Il ne s'agit pas d'une revue scientifique, mais plutôt du Wikipédia de la science

Une erreur de méthodologie

Ces travaux qui ont été publiés en juillet dernier reprennent des données de 2019 et 2021, selon leurs auteurs. Gary Goldman et Neil Miller, ont ainsi comparé le nombre de vaccins administrés aux nourrissons et enfants de moins de cinq ans dans les "pays développés" avec leur taux de mortalité infantile. Le premier se présente comme "directeur de l'école privée Pearblossom" tandis que le second est décrit comme "journaliste en recherche médicale" sur son compte LinkedIn.

Leur étude présente plusieurs erreurs méthodologiques, selon plusieurs spécialistes en pharmacologie et en néonatalité. Car les auteurs ont enquêté sur un échantillon trop réduit pour établir un résultat général. "En fait, il n'y a aucun moyen de dire qui a reçu des vaccins et qui n'en a pas eu parmi ceux [les personnes] qui sont décédés", explique la Dre Jennifer Kusma, pédiatre à l'hôpital pour enfants Ann and Robert H Lurie de Chicago. Et il n'est pas pertinent de comparer les chiffres dans la mesure où les programmes vaccinaux ne sont pas les mêmes selon les pays. 

Lire aussi : Ces maladies évitables par la vaccination en Afrique

Vacciner pour sauver des enfants

La littérature scientifique prouve aussi le contraire de l'étude que nous décortiquons. La vaccination, intervention peu coûteuse et d’une grande efficacité, a beaucoup contribué au recul des infections, principales causes de décès des enfants. Une partie des enfants qui décèdent aujourd'hui en Afrique meurent de maladies infectieuses évitables par la vaccination. La rougeole et le tétanos néonatal, pour lesquels il existe des vaccins, causent ensemble près de 200.000 morts chaque année (en 2019). Sur cette carte de l'UNESCO, on observe d'ailleurs que les taux de mortalité des enfants de moins de cinq sont les plus élevés au monde au Nigéria, au Niger, au Tchad, en Somalie et en Sierra Leone. Des pays qui rassemblent la plupart des enfants sans dose de vaccin au niveau mondial. 

Pourtant, la vaccination est l’un des actes médicaux les plus simples et les plus rentables en termes de prévention des maladies et de réduction de la mortalité. Grâce aux vaccins, plusieurs maladies infectieuses devraient pouvoir être éradiquées de la planète, comme l’a été la variole en 1979. La poliomyélite est sur le point d’être éradiquée, la rougeole pourrait suivre dans quelques années ou décennies. Les vaccins ont d'ailleurs des effets bénéfiques non spécifiques : en stimulant l’immunité, ils diminuent aussi la mortalité due aux autres maladies (diarrhée, paludisme) contre lesquelles les enfants ne peuvent être vaccinés pour l’instant faute de vaccins.

Outre l'absence de vaccination, les principaux facteurs de risque de décès précoces sont liés à la prématurité et à la présence d'anomalies congénitales, facteurs eux-mêmes affectés par la santé maternelle avant et pendant la grossesse.

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