Le casse-tête des chiens errants au Maghreb
Que ce soit au Maroc, en Algérie ou en Tunisie, la prolifération des chiens errants inquiète, mais l'abattage systématique, principale solution adoptée face à ce phénomène, est décrié par des défenseurs des animaux.
Une collégienne décède après une attaque de chiens errants en Tunisie, un garçonnet tué par une meute en Algérie... les faits divers concernant les animaux errants sont nombreux au Maghreb, là où la rage fait encore des ravages.
Il y a quelques jours, c'est le parquet de Gabès, dans le sud-est de la Tunisie, qui a ouvert une enquête à la suite du décès d'une jeune fille de 16 ans, agressée par des chiens sur le chemin de l'école. Cette décision de la justice intervient alors que de nombreuses voix ne cessent de se plaindre de la forte augmentation du nombre de chiens errants dans la région. Des animaux qui peuvent notamment être exposés à la rage, l'une des plus anciennes maladies au monde qui continue de faire beaucoup de victimes.
La rage, toujours dangereuse
Causée par un virus de la famille des "rhabdovirus", la rage est transmise par la morsure ou la griffure de certains animaux sauvages ou domestiques, essentiellement les chiens. Ces derniers peuvent aussi transmettre la maladie par léchage ou contact avec une plaie. La manipulation d’animaux morts est également dangereuse et peut conduire à une transmission de la maladie. Seule bonne nouvelle : une personne infectée n’est pas contagieuse car la maladie ne se transmet pas de personne à personne. La rage se transmet uniquement de l’animal à l’homme.
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Bien que dangereuse, la rage est une maladie évitable. Pour cela, la vaccination préventive est recommandée. Si elle ne procure pas de protection complète contre la rage, cette vaccination facilite le traitement après un contact avec un animal contaminé. Chez les animaux, la vaccination des chiens, chat, furet et rongeur est le meilleur moyen d’éradiquer la maladie et de couper la voie de transmission entre le réservoir sauvage du virus et nos animaux de compagnie. Les protéger, c’est nous protéger tous ensemble. Mais que ce soit au Maroc, en Algérie ou en Tunisie, les autorités multiplient les opérations d'abattage, au grand dam des défenseurs d'animaux.
Abattage systématique
En Algérie, début mars, c'est le petit Salah Eddine, 12 ans, qui a été "dévoré par des chiens" à Blida, près d'Alger, selon son oncle qui a raconté qu'"il ne restait que les os de la partie basse de son corps". Dans ce pays, "la seule méthode utilisée par les services municipaux pour lutter contre les animaux errants est la capture et l'abattage", explique Dr Abdelmoumen Boumaza, un vétérinaire. Mais, déplore-t-il, ils n'agissent "que dans l'urgence, quand il y a des cas de rage".
Pour sa part, la Tunisie assure avoir engagé des actions: le ministère de l'Agriculture a mis à disposition un service de vaccination antirabique gratuit et s'est fixé pour objectif de vacciner rapidement 70 à 80% des chiens de Tunis. Car il y a urgence : cinq personnes, mordues par des chiens errants, sont décédées de la rage dans le pays en 2021 et, "au niveau du Grand Tunis (2 millions d'habitants, NDLR), la positivité des carnivores errants est de 55%", selon le ministère. Mais à ce jour, bon nombre de mairies "continuent l'abattage, y compris celles qui disposent d'un centre de vaccination et de stérilisation", déplore Nowel Lakech, présidente de l'association de Protection des animaux de Tunisie (PAT). Ces derniers mois, des campagnes sanglantes notamment sur l'île touristique de Djerba ont entraîné des protestations des défenseurs des animaux sur les réseaux sociaux.
Au Maroc aussi, l'Etat a signé une convention en 2019 avec des partenaires "pour stériliser, vacciner et identifier les chiens errants". Malgré cela, beaucoup de "communes organisent l'abattage de chiens dans la rue ou en fourrière dans des conditions horribles", s'indigne la présidente de l'association IRHAM ("ait pitié"), Zainab Taqane.
Pourquoi autant de chiens dans les rues ?
Ces dernières années, les Tunisiens ont eu recours aux chiens plutôt qu'à de coûteux systèmes d'alarme pour protéger leurs propriétés, explique Mme Lakech, présidente du PAT. Mais les abandons sont fréquents, surtout quand les femelles ont des petits. Ainsi, il n'est pas rare pour un passant de se retrouver nez à nez avec une meute de chiens dans la capitale.
La PAT voudrait "une loi obligeant les propriétaires à marquer leurs chiens pour qu'ils ne puissent plus être jetés impunément à la rue" et que chaque municipalité soit dotée d'un centre de gestion des chiens errants. Il y en a six pour toute la Tunisie: "On a gagné une bataille mais pas encore la guerre", relève Mme Lakech, estimant que les associations font "le travail de l'Etat".
Longue agonie
"Après s'être fait tirer dessus, des chiens peuvent agoniser pendant des heures. On les laisse sans s'inquiéter de savoir s'ils sont morts ou blessés", s'insurge Mme Lakech.
Au refuge de Bouhanach à Ariana, près de Tunis, des dizaines de chiens sont hébergés par la PAT qui tente de leur trouver un foyer. Construit il y a cinq ans grâce à des dons privés, le refuge s'étend sur un terrain de 2.600 mètres carrés.Le centre a déjà accueilli près de 500 pensionnaires. Parfois, faute de famille adoptive locale, la PAT envoie les chiens à l'étranger avec des "parrains de vol", pendant leur transport.
Vétérinaire au centre de stérilisation-vaccination de Tunis, le Dr Mahmoud Latiri a vacciné plus de 2.500 bêtes en deux ans, essentiellement des chiens, et pratiqué de nombreuses stérilisations. "Sans une stérilisation massive, les rues seront envahies de chiens errants", avertit le Dr Mahmoud. Deux jours par semaine, une équipe du centre parcourt les rues de la capitale à la recherche de chiens errants pour les vacciner et les stériliser.
Source : AFP
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