Faux médicaments, vraies conséquences... des Camerounais témoignent
Au Cameroun, la cherté des médicaments vendus en pharmacie amène certains à se tourner vers le marché informel. Ils y retrouvent des produits moins onéreux, mais plus dangereux pour la santé.
Au Cameroun, 50% des médicaments sont falsifiés. "En d’autres termes, la moitié des médicaments circuitent de manière illicite et plus de la moitié ne se vend pas dans les officines de pharmacie ou d’hôpital", précise le Dr Franck Nana, président de l'Ordre national des pharmaciens du Cameroun.
Et depuis la crise sanitaire, ce sont les produits utilisés contre le Covid-19 qui sont ciblés, d'après le Laboratoire national de contrôle de la qualité des médicaments et d’expertise (LANACOME). "Deux versions falsifiées de chloroquine, issues des circuits de contrebande, sont en circulation au Cameroun. Les tests de ces comprimés révèlent l’absence de toute substance active pharmaceutique", a fait savoir Rose Ngono Mballa Abondo, directrice du LANACOME. Avec cette déclaration, elle a ouvert un nouveau front de lutte contre les contrefacteurs de médicaments, véritables dangers pour les populations.
Les médicaments de la rue sont courants au Cameroun. C’est le recours ultime des petites bourses, de ceux qui ne peuvent s’acheter des médicaments en pharmacie ou qui, faute d'argent pour payer des soins à l’hôpital, choisissent la voie de l’automédication. En risquant à chaque fois de tomber sur des produits de contrefaçon. "Les faux médicaments font partie de notre quotidien. Les Camerounais dans leur très grande majorité se ravitaillent dans ces circuits informels de médicaments. On sait que ce n'est pas conseillé. Mais on n’y peut rien, les coûts sont bas et on se sent soulagé quand on en consomme", explique l’enseignant Jean-Michel Djandja. Tout va bien tant que l’on ne tombe pas sur un comprimé ou un sirop mal conditionné.
Des ravages sur la santé
Les faux médicaments sont à l'origine d'au moins 100.000 morts par an en Afrique. Ils sont à l'origine de nombreux problèmes de santé. "Nous voyons le nombre de dialyses exploser. Nous connaissons la cause. Les faux médicaments consommés dans notre enfance ont des conséquences plus tard. (...) Vous avez des insuffisances hépatiques et d’autres problèmes de santé causés par ces médicaments qui sont sous-dosés", regrette le Dr Nana.
Des conséquences dramatiques qui ont bien fait peur à Joël Tatchou, un banquier de Yaoundé. Il y a quelques années, il s’était ravitaillé dans une pharmacie clandestine. "Ma femme et moi nous étions fait prescrire un produit appelé Josacine. Un nom que je n’oublierai jamais... En pharmacie il coûtait 11.000 Francs, j’ai pu l’avoir à 4.000 F. Le comprimé était volumineux. J’ai failli y laisser la peau. Ce n’était pas la bonne fabrication. J’avais dû retourner à la pharmacie acheter le bon Josacine qui était différent en tous points du faux" se souvient-il.
Quelles solutions ?
Jean-Michel Djandja, quant à lui, rapporte l'intoxication de sa mère au paracétamol. "Le médicament n'agissait pas alors elle passait son temps à renouveler la dose", explique-t-il. Avant de s’étonner de voir autant de médicaments circuler au Cameroun. "Que font nos autorités ? Les ministres se sont succédé chacun avec leur stratégie, mais le problème demeure. Et c'est un danger ! Il faut passer à la répression, couper les circuits de ravitaillement qui sont généralement les pays voisins, mais aussi ces délégués médicaux véreux qui ravitaillent ce marché noir", préconise l’enseignant. De nombreux Camerounais aimeraient que l’État contrôle les pharmacies, sache qui leur livre les médicaments, vérifie si ces livreurs sont agréés, et ferme les pharmacies ne respectant pas les règles.
Pour faire disparaître définitivement les faux médicaments de leur pays, certains Camerounais évoquent aussi la gratuité des soins, ce que devrait inclure au moins en partie la Couverture santé universelle actuellement en phase de test.
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