Les médicaments contrefaits tuent des centaines de milliers d'Africains
Dans son dernier rapport sur les menaces induites par le crime organisé, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) décrit les conséquences de l’intense trafic de médicaments contrefaits dans les pays du Sahel, alimenté par la pénurie de produits pharmaceutiques, la dépendance envers les importations et la complicité de multiples réseaux clandestins et officiels.
Les chiffres font froid dans le dos et mettent en lumière les conséquences terribles du trafic de médicaments contrefaits. Selon le rapport de l’ONUDC, 270.000 personnes meurent chaque année en Afrique subsaharienne pour avoir consommé des médicaments antipaludiques falsifiés et de qualité inférieure. En outre les décès de 169.271 enfants dans la région sont attribués à l’usage d’antibiotiques contrefaits pour traiter la pneumonie sévère de jeunes malades.
L’évaluation de la menace que représente le crime organisé, présentée par l’ONUDC, se concentre sur les pays du Sahel, particulièrement vulnérables à ces trafics néfastes à la santé publique. Selon le rapport, la forte prévalence des maladies infectieuses, y compris le paludisme, associée au manque de disponibilité des médicaments, de capacité financière des populations et d’accès aux soins de santé, "crée un environnement dans lequel la demande de produits et services médicaux n’est pas entièrement satisfaite par les canaux formels".
Un fossé permanent entre l'offre et la demande
Ce fossé entre la demande et l’offre de produits pharmaceutiques réglementés laisse place au trafic, incite à l’implication de groupes criminels organisés et alimente la menace permanente pour la sécurité des populations dans ces pays.
Pour preuve, entre janvier 2017 et décembre 2021, au moins 605 tonnes de produits médicaux différents ont été saisies en Afrique de l’Ouest lors d’opérations internationales, constate l’ONUDC, qui précise qu’en dépit du manque d’informations fiables sur les volumes de médicaments concernés, diverses études estiment que jusqu'à 50% des produits pharmaceutiques sur le marché dans les pays du Sahel sont falsifiés et de qualité inférieure.
Des médicaments contrefaits vendus dans le circuit officiel
Ces chiffres recèlent une autre surprise : environ 40% de ces produits médicaux signalés dans les pays du Sahel entre 2013 et 2021 ont été découverts, non sur un marché clandestin et parallèle, mais dans la chaîne d’approvisionnement réglementée.
"Tout comme les produits médicaux réglementés peuvent être détournés, les produits pharmaceutiques fabriqués illicitement peuvent se retrouver dans des points de vente pharmaceutiques autorisés, ce qui montre à quel point les chaînes d’approvisionnement réglementées (légales) et non réglementées (illicites) sont interconnectées", commentent les experts de l’ONUDC. Cette vulnérabilité au trafic tient avant tout à l’extrême dépendance des pays du Sahel envers les importations en raison du stade de développement encore insuffisant de leurs industries pharmaceutiques.
Différents points d'entrée
Sur le total des dépenses pharmaceutiques en Afrique subsaharienne en 2019, les importations ont représenté jusqu’à 70 à 90% et environ 14 milliards de dollars, principalement en provenance de la Belgique et la France, et dans une moindre mesure de Chine et d’Inde. Mais certains médicaments contrefaits sont fabriqués dans le continent, notamment en Afrique du Nord et dans le golfe de Guinée, dont les ports maritimes de Conakry (Guinée), de Tema (Ghana), de Lomé (Togo), de Cotonou (Bénin) et d’Apapa (Nigéria) sont les points d’entrée majeurs pour les approvisionnements de la région du Sahel.
Cependant, l’essentiel de la contrebande s’effectue par voie aérienne, indique le rapport, où de petites quantités de produits illicites sont transportées par colis postaux ou par des passagers sur les avions de ligne. Une fois en Afrique de l’Ouest, les produits médicaux illicites atteignent les pays du Sahel avec l’aide de passeurs qui empruntent les itinéraires traditionnels du trafic, en autocars, en camions et en voitures privées. Jusqu'à quand ?
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