Face à la schizophrénie, "le diagnostic rapide est un élément clé"
La schizophrénie gagne du terrain en Afrique, à l'instar des autres maladies mentales. À l'occasion des 18ème Journées internationales de la schizophrénie, AlloDocteursAfrica a échangé avec le Dr Hachem Tyal, psychiatre et psychanalyste marocain.
Personne ne s'occupe d'eux ou presque ! En Afrique, les personnes atteintes de schizophrénie sont souvent voués à eux-mêmes. Dans tous les pays, cette maladie mentale touche en moyenne 1% de la population. Certes, il peut y a voir des variations, mais elles sont essentiellement liées aux difficultés de diagnostic. Le mot schizophrénie signifie : perte de l'unité (schize) et de l'esprit (phrénie). Cette maladie complexe se déclare la plupart du temps à la sortie de l'adolescence, entre 15 et 25 ans, et se manifeste de façon très variable d'un individu à l'autre. Pour en savoir plus, à l'occasion des 18ème Journées internationales de la schizophrénie qui se déroulent du 13 au 20 mars, AlloDocteurs Africa a échangé avec le Docteur Hachem Tyal, psychiatre marocain et fondateur de la clinique psychiatrique Villa des Lilas à Rabat. Rencontre avec un spécialiste.
AlloDocteurs Africa : Quand et comment se déclare la schizophrénie ?
Dr Hachem Tyal : La schizophrénie est le plus souvent une maladie qui s’installe à la sortie de l'adolescence, quand on est en terminale. On devient doucement un peu bizarre, on développe une attitude et des intérêts bizarres, qui peuvent surprendre l’entourage. Il y a aussi une distance qui s’installe par rapport aux autres, aux amis, à la famille. Ce sont des changements insidieux, qui se développent petit à petit jusqu’à ce que la maladie affecte le fonctionnement au quotidien, en empêchant par exemple la personne de suivre ses études par exemple.
C’est une détérioration sociale qui peut s’étendre sur plusieurs mois voire un an, un an et demi. Mais dans certains cas, plus rares, on peut entrer brutalement dans la schizophrénie, en faisant une bouffée délirante, c’est-à-dire entrer dans un état psychotique où on va avoir une perception déformée de la réalité. On peut par exemple entendre des voix, avoir l’impression que quelqu’un commente ce que l’on fait, nous contrôle ou nous pousse à faire certaines choses. Ce type de bouffées délirantes est souvent amené par l’usage de drogues. Le cannabis par exemple augmente de 50% le risque de développer une schizophrénie.
ADA : Quelle est la prise en charge ?
Dr Tyal : La première chose, c’est que le diagnostic rapide de la schizophrénie est un élément clé. Plus on diagnostique tôt, mieux on soigne. La prise en charge de la personne souffrant de schizophrénie est essentiellement psychiatrique. Il faut trouver le bon traitement, à base de neuroleptiques et d’antipsychotiques. Aujourd’hui, il y a peu d’effets secondaires, mais ce sont des traitements à très long terme voire à vie, et ils sont indispensables. Il faut apprendre à vivre avec la maladie, à vivre avec le traitement, il faut un accompagnement psychiatrique, de la thérapie… C’est une prise en charge très lourde, notamment parce que le malade perd beaucoup en capacités cognitives, intellectuelles mais aussi parce qu’il faut lui faire comprendre et accepter sa maladie. Il faut aussi apprendre à identifier ces symptômes pour prévenir les phases de décompensation, mettre en place des moyens de gestion de ces phases…
ADA : Quelle est l’urgence en matière de prise en charge de la schizophrénie au Maroc ?
Dr Tyal : Il faut développer les centres de réhabilitation psychosociale, comme les cliniques que j’ai fondées. Il faut des centres de proximité, où les patients peuvent apprendre à se réinsérer petit à petit, grâce à une prise en charge complète. Et une prise en charge complète passe par la prise en charge de la famille du malade. La schizophrénie génère une souffrance immense pour les proches du malade : les phases de décompensation peuvent être très graves, et il est difficile pour le malade de se rendre compte de ce qui lui arrive… Il faut prendre en compte cette souffrance. D’autant plus qu’on sait qu’en mettant en place des programmes d’aide aux familles, en les aidant à développer des outils pour gérer ces crises, on réduit de 50% le taux d’hospitalisation et de suicides liés à la schizophrénie.
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