Et si l'intelligence artificielle et l'auto-prélèvement mettaient fin au cancer du col de l'utérus en Afrique ?
Le cancer du col de l'utérus tue, chaque année, des milliers d'Africaines. Pourquoi ce cancer est-il si fréquent en Afrique ? Où en est la recherche ? A l'occasion du mois de la sensibilisation au cancer féminin le plus mortel sur le continent, AlloDocteurs Africa fait le point.
C'est la première cause de décès par cancer chez les femmes en Afrique ! Le cancer du col de l'utérus tue chaque année des dizaines de milliers d'Africaines. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), "9 décès sur 10 dus au cancer du col de l’utérus surviennent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire". Et 19 des 20 pays les plus touchés par ce mal se trouvent sur le continent.
Si aujourd'hui certains pays riches sont en bonne voie pour éliminer la maladie, conformément aux objectifs globaux visant à réduire les taux considérablement d’ici 2030, le dépistage est encore très faible en Afrique subsaharienne, là où le fardeau du cancer du col de l'utérus est le plus lourd au monde. Car à l'image du Covid-19, il y a des difficultés d’accès aux outils vitaux : les femmes et les adolescentes des pays les plus pauvres ne bénéficient pas des installations de dépistage clinique, des vaccins contre le papillomavirus humain (HPV) et des derniers traitements.
Fausse croyance et méconnaissance de la maladie
Le cancer du col de l'utérus peut être évité, traité et soigné, s'il est détecté suffisamment tôt. Mais beaucoup de femmes sur le continent ne le savent pas. Et en Afrique plus qu'ailleurs, les normes sociales et culturelles représentent un obstacle au dépistage.
Quand les femmes n'ont pas besoin de la permission de leurs maris pour se faire dépister, elles ont du mal à sauter le pas. Peut-être parce qu'elles sont mal informées. Ou peut-être parce qu'elles ignorent que le cancer du col de l'utérus est guérissable. Les théories sont nombreuses, mais ce qui est sûr c'est que le manque de personnel féminin complique la réalisation du frottis vaginal (un examen simple et indolore qui permet de dépister ce cancer). Que ce soit au Sénégal, au Kenya, en Côte d'Ivoire ou en Mauritanie, de nombreuses femmes ne veulent pas être dépistées par des hommes.
90-70-90
L’OMS a pourtant lancé, fin 2020, la Stratégie mondiale en vue d’accélérer l’élimination du cancer du col de l’utérus en tant que problème de santé publique. Cette stratégie repose sur trois chiffres clés : 90-70-90. Autrement dit, la vaccination de 90 % des filles contre le HPV, le dépistage des lésions précancéreuses chez 70 % des femmes et l’accès au traitement et aux soins palliatifs pour 90 % de celles qui en ont besoin. La préqualification récente d’un quatrième vaccin contre le HPV (Cecolin produit par Innovax), devrait aussi permettre d’augmenter et de diversifier l’offre vaccinale. "Nous disposons des outils nécessaires pour reléguer cette maladie au passé, mais uniquement à condition de mettre ces outils à la disposition de toutes celles qui en ont besoin. C’est l’objectif que nous visons avec nos partenaires de l’initiative de l’OMS pour l’élimination du cancer du col de l’utérus", estime le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'Organisation mondiale de la santé.
Mais à l'heure où la majorité des personnels de santé ont été partiellement ou entièrement réaffectés à la lutte contre le Covid-19, de nombreux pays africains ont dû reporter leurs programmes publics de dépistage du cancer du col de l'utérus. En parallèle, les taux de vaccination contre le VPH dans le monde ont chuté, pour passer de 15 % en 2019 à 13 % en 2020, sous l’effet des perturbations qu’ont connues les services de santé et des fermetures d’établissements scolaires.
De meilleurs diagnostics
Mais la lutte n'est pas perdue. Pour accélérer l’élimination du cancer du col de l’utérus, la stratégie de l'OMS mise sur des diagnostics fiables à un prix plus abordable. Et on s'en approche tout doucement. Le frottis était jusque-là la seule option pour dépister ce cancer féminin, le test HPV par auto-prélèvement nourrit l'espoir d'un monde sans cette terrible maladie. Certes, cet examen ne permet pas encore de faire l'économie d'un frottis, il améliore le dépistage de ce cancer.
Pratique, simple, intime, peu coûteux et indolore, l'auto-prélèvement a tout pour plaire. Il peut aider les pays du continent à atteindre les femmes qui n’ont jamais été dépistées pour le HPV. "Cette solution réduit la stigmatisation dont sont victimes les femmes, facilite l’accès pour celles qui habitent loin des établissements de santé et aide les centres de santé surchargés à assurer la sécurité des services tout en respectant les mesures de protection contre le Covid-19", explique l'OMS dans un communiqué.
Intelligence artificielle
En novembre dernier, l’OMS a aussi publié un plan d’orientation pour la recherche sur l’intelligence artificielle. Avec ce guide oriente les développeurs pour faire avancer le dépistage de ce cancer et faire en sorte que les lésions précancéreuses soient détectées le plus tôt possible.
Unitaid, l'agence des Nations unies, Unitaid, dont l'objectif est d'améliorer le diagnostic et le traitement des maladies infectieuses dans les pays en développement, a lancé un partenariat avec la Clinton Health Access Initiative en 2018 pour tester des outils de dépistage à intelligence artificielle au Rwanda, au Kenya, au Malawi, en Afrique du Sud et en Zambie. Depuis, "d’importants progrès ont déjà été réalisés pour atteindre notre objectif ambitieux visant à donner accès au dépistage et au traitement pour moins d’1 dollar par femme", assure Unitaid. Maintenant que les jalons d'une meilleure prise en charge sont posés, encore faut-il améliorer le suivi de ces femmes, surtout lorsque le dépistage est positif.
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