Dre Estelle Wafo : "Le cancer du sein chez l’homme est un sujet tabou en Afrique"
Chaque année, en Afrique, plus de 90.000 femmes meurent d'un cancer du sein. Mais cette maladie concerne aussi les hommes.
Le cancer du sein concerne aussi les hommes. On le sait depuis environ quarante ans. Mais par pudeur, les patients de sexe masculin n’en parlent pas beaucoup. Surtout en Afrique. Provoqué en partie par la multiplication des cellules de la glande mammaire qui provoquent une tumeur, ce cancer peut aussi avoir des causes génétiques. Pour en savoir plus, on a échangé avec la gynécologue obstétricienne Estelle Wafo, la spécialiste camerounaise des cancers de la femme et des cancers du sein. Entretien
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Allo Docteurs Africa : Quand les cancers du sein chez l’homme ont–ils été découverts ?
Dre Estelle Wafo: Les cancers au niveau de la poitrine de l’homme ont toujours existé. Mais ce cancer-là a été un peu plus diffusé il y a 30 ou 40 ans. Même si, par pudeur, l’on ne parlait pas du cancer du sein chez l’homme. On parlait du cancer de la poitrine. Mais en tout cas, je peux dire que depuis une trentaine d’années, on parle un peu plus de “maladie“. On prononce un peu plus le mot de cancer du sein chez l’homme. Je pense que chez les hommes, c’est un sujet tabou parce qu’on a peur de rattacher l’homme aux pathologies de la femme. Surtout dans nos pays d’Afrique.
A.D.A. : Qu’est-ce qui provoque le cancer du sein chez l’homme ?
Dre E.W. : La physiopathologie du cancer du sein chez l’homme est la même que le cancer du sein chez la femme. C’est-à-dire que ce sont des cellules de la glande mammaire qui initialement se multiplient, qui acquièrent des anomalies lors de la multiplication, qui les empêchent de mourir et qui vient entraîner une tumeur et une grosse prolifération qui devient un cancer. Pour les cancers du sein comme pour les cancers de l’ovaire, il peut y avoir une part d’hérédité, mais chez la femme, elle est faible. C’est à 10% des cancers. En ce qui concerne le cancer du sein chez l’homme, le pourcentage de risques de mutations génétique qui peuvent entraîner des cancers est beaucoup plus élevé. Ce sont parfois les mutations BRCA 2 qui peut entraîner un cancer du sein chez l’homme et pas que. Cela entraîne aussi des cancers de la prostate, de la vessie, du rein et parfois même du tube digestif.
A.D.A : Quel est le profil des hommes qui consultent ?
Dre E.W : En général, les hommes consultent un médecin, quand ils sentent la présence d'une boule dans la poitrine. Mais ils ne s’imaginent pas que cette boule soit liée à un cancer du sein. Il faut dire que dans les populations africaines, cette maladie est un sujet tabou. Même les femmes ne consultent pas systématiquement, malgré l'apparition de certains symptômes. Résultat, beaucoup d'hommes se font diagnostiquer tardivement ce cancer. On se retrouve avec beaucoup de patients qui sont déjà au stade métastatique, dans l'os, dans les poumons et sur le foie. Les malades ont aussi parfois d'autres cancers au niveau de la prostate ou du pancréas.
A.D.A : Comment soigner un cancer du sein chez l'homme ?
Dre E.W : On s’assure bien sûr du stade du cancer, qu’il ne soit pas à un stade très évolué qui nous pousserait d’emblée à faire de la chimiothérapie. Quand on arrive à avoir un cancer au stade précoce, on peut faire de la chirurgie. Dans ce cas, on enlève toute la glande mammaire et quelques ganglions, et cela se voit beaucoup moins que chez une femme.
On n'aura pas recours à la chimiothérapie, si le cancer a été détecté tôt. Après le traitement chirurgical, très souvent il y a aussi un traitement hormonal. Le médecin pourra administrer au malade un comprimé tous les jours pendant cinq ans pour éviter les récidives. Ces traitements sont des antihormones qui suppriment la fabrication des hormones ou bloquent leur action.
A.D.A : Que doit faire l'Afrique pour accélérer la lutte contre ce cancer ?
Dre E.W : Pour vaincre ce cancer, il faut sensibiliser les femmes et les hommes au dépistage. Mais aussi de les encourager à consulter, dès qu'ils ressentent douleur, rougeur, ganglions ou autres signes inhabituels au niveau du sein.
Les hommes, tout comme les femmes, doivent se palper les seins. L’action que l’on mène auprès des femmes consiste à leur apprendre l’autopalpation et à palper les seins des femmes pendant Octobre Rose. Mais cette même campagne de dépistage doit aussi toucher les hommes pour qu’ils comprennent que cette maladie les concerne également.
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