Dr Evariste Bouenizibala : "En Afrique, on peut être atteint d'un diabète de type 2 à 35 ou 45 ans"
Alors que le diabète est un fardeau de plus en plus lourd pour l'Afrique, on a échangé avec le docteur Evariste Bouenizibala, l'un des spécialistes de cette maladie chronique sur le continent.
Il gagne du terrain ! Depuis quelques années, le diabète progresse dangereusement en Afrique. Du Maroc à Madagascar, en passant par le Sénégal et le Congo, cette maladie chronique est responsable de beaucoup de décès. Pour en savoir plus sur ce mal qui se caractérise par l'excès de sucre dans le sang, on a discuté avec le docteur Evariste Bouenizibala, ancien président de la fédération internationale du diabète en Afrique et diabétologue à Brazzaville.
Allo Docteurs Africa : Le diabète s'envole en Afrique. Comment l'expliquez-vous ?
Dr. Evariste Bouenizibala : Vous avez raison de souligner qu'il y a de plus en plus de cas de diabète, mais il faut d'emblée dire que cette évolution n'est pas seulement propre au continent africain. Nous faisons face à une augmentation mondiale du nombre de cas de diabète. On estime aujourd'hui qu'il y a près de 460 millions de diabétiques dans le monde. En Afrique, on est autour de 25 millions.
Plusieurs éléments peuvent expliquer l'évolution du diabète sur le continent. Le premier est lié à l'environnement : en Afrique, on assiste à ce qu'on appelle une "transition nutritionnelle" qui s'explique par les changements de mode de vie. La deuxième raison est qu'il existe un lien entre pauvreté et précarité. Et enfin, on sait aussi que la sédentarisation joue un rôle. Tous ces éléments contribuent à l'installation du diabète, et le nombre de cas se multiplie, notamment parce que les populations du continent sont de plus en plus obèses.
A.D.A : On a tendance à croire que le diabète ne touche finalement que les personnes âgées, est-ce vrai ?
Dr. E.B : C'est vrai en partie, parmi les facteurs de risque du diabète, il y a l'âge. Plus on avance dans l'âge, plus le diabète a des chances de survenir vu que le pancréas se fatigue. Cela se vérifie en Occident où le diabète de type 2 survient chez la personne âgée. Mais en Afrique, ce n'est pas vrai car on sait qu'à 35 ou 45 ans, on peut être atteint de diabète. Donc la population africaine a la singularité de faire du diabète un peu plus tôt que les autres populations. Cette singularité est liée aux modes de vie, comme l'urbanisation qui a pris de l'ampleur en Afrique, plusieurs études scientifiques peuvent étayer ça. Au Congo, on a réalisé une étude pour comparer la prévalence du diabète dans le milieu rural et urbain. On sait aujourd'hui qu'il existe un "gap" (un fossé ndlr) entre les grandes villes du pays et les zones rurales, notamment parce que les gens bougent moins dans les villes.
A.D.A : Aujourd'hui, on a l'impression que le Maghreb est plus touché que d'autres régions en Afrique. Comment pouvez-vous expliquez-cela ?
Dr. E.B : On sait que dans certaines parties du globe, le diabète est plus important car il y a une prédisposition génétique. L'hérédité est l'un des premiers facteurs de risque du diabète, c'est-à-dire que lorsqu'on a un cas de diabète dans la famille, on a plus de risques de développer cette maladie. Dans la plupart des pays maghrébins, il existe une grande pénétrance héréditaire, c'est à dire que la transmission du diabète au sein d'une famille est élevée.
A.D.A : Du coup, avoir un parent diabétique stipule forcément que l'on va le devenir ?
Dr. E.B : Avoir des parents diabétiques ne veut pas dire qu'on va systématiquement faire du diabète. L'hérédité, c'est qu'on porte une prédisposition de devenir malade. Mais si on fait attention à ce que l'on fait, on ne le deviendra pas. Ça reste un facteur important qui permet de savoir qu'on est à risque du diabète. Quand on a des antécédents de cette maladie dans la famille, on peut faire un dépistage lorsqu'on a 40 ans ou 45 ans. C'est ce qu'on appelle un dépistage ciblé pour savoir si on développe la maladie ou pas.
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