Pr Yacouba Mapoure Njankouo : "Les enfants sont très vulnérables à la méningite"
Maladie à l’origine de milliers de décès en Afrique, la méningite se propage actuellement dans plusieurs pays. Pour en savoir plus, on a échangé avec le neurologue et universitaire camerounais, le professeur Yacouba Mapoure Njankouo.
Cette année encore, le Cameroun est confronté à de graves épidémies de méningite. Le pays se trouve dans la ceinture de la méningite, une région qui traverse le continent du Sénégal à l'Éthiopie, et qui est particulièrement touchée par la maladie pendant la saison sèche. La méningite frappe les enfants et les adultes de ces communautés, et une grande partie des personnes qui survivent à la maladie en garderont un handicap à long terme comme la surdité ou des déficiences mentales. Pour en savoir plus sur l'évolution de la méningite au Cameroun, on a échangé avec le professeur Yacouba Mapoure Njankouo, neurologue en service à l’hôpital général de Douala. Entretien.
Allo Docteurs Africa: Qu’est-ce que la méningite ?
Professeur Yacouba Mapoure Njankouo: C’est une maladie qui touche les enveloppes qui recouvrent le cerveau de l’homme et qu’on appelle méninges. La méningite renvoie à ce que nous appelons "inflammation des méninges". On sait que plusieurs choses peuvent entraîner l’inflammation des méninges, mais en Afrique subsaharienne, la maladie est liée à des infections.
Les méningites d’origine infectieuse sont dues à des germes. Nous avons les causes bactériennes, virales, fongiques, parasitaires. Parmi les causes assez spécifiques comme les micro-bactéries, nous avons la tuberculose qui est également une grosse cause de méningite en Afrique et qui est généralement associée à l’infection par le VIH. Il y a un éventail de virus qui peut aussi toucher les méninges et être à l’origine de la méningite. Il convient de préciser que tous les âges peuvent être concernés par cette maladie. On remarque cependant que les enfants sont plus vulnérables du fait de leur système immunitaire encore immature. C’est pour cela que les pouvoirs publics ont mis en place un système de lutte qui consiste à la vaccination contre les principaux germes. Mais depuis l’avènement de l’infection par le VIH en Afrique, on assiste à une explosion des cas de méningite.
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A.D.A : Comment soigne-t-on cette maladie ?
Pr Y.M.N : Pour traiter la méningite, il faudrait au préalable être capable de poser le diagnostic Pour le faire, il faudra observer l’ensemble de manifestations qui vont orienter vers l’atteinte des méninges. C’est souvent en premier lieu des maux de tête associés à de la fièvre, des vomissements ou encore le malade qui ne tolère plus la lumière et le bruit. Dans certaines situations, il peut arriver qu’il fasse des crises épileptiques. Dans ce cas-là le malade doit être examiné par un personnel de soins formé. Il peut s'agir d'un médecin généraliste ou d'un spécialiste.
On peut aussi rencontrer d’autres signes de la méningite lors de l’examen physique. Au cours de ce dernier, on doit effectuer une ponction lombaire. Il s'agit d'un prélèvement du liquide céphalo-rachidien, le LCR. Ce liquide circule autour du cerveau et de la moelle épinière, avec pour fonction de les protéger en cas de choc. Il sert aussi à évacuer les molécules et "déchets" du cerveau. C'est à partir de là que le traitement peut commencer.
Le traitement de la méningite dépend de l’étiologie. La semaine dernière, j’ai mis un jeune sous traitement pour une méningite tuberculeuse. C’est parti pour environ un an de traitement. Alors que pour les méningites bactériennes, il suffit de deux semaines de traitement. Tandis qu'il faut prévoir plusieurs semaines pour les personnes attentes de méningite fongique.
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A.D.A : Que faut-il faire pour éviter la méningite ?
Pr Y.M.N : Il faut privilégier la prévention. Celle-ci passe par la vaccination des populations contre les germes spécifiques, et l'identification des cas de méningite. D'ailleurs depuis l’introduction du vaccin dans le Programme Elargi de Vaccination, on recense de moins en moins de cas. Au Cameroun, la zone septentrionale est très vulnérable à la méningite. Mais les populations locales sont déjà sensibilisées sur les premiers symptômes de la maladie.
A.D.A. : De façon globale, comment évolue la lutte contre la méningite au Cameroun ?
Pr Y.M.N.: Si l’on prend la forme plus fréquente de la méningite qui est la variante bactérienne, je dirais que la lutte a beaucoup évolué. Elle repose aujourd’hui sur la prévention. On recommande de plus en plus les vaccins. Et si nous avions très peu de médecins formés il y a quelques années, beaucoup d'entre eux peuvent poser le diagnostic aujourd’hui.
Mais certains microbes résistent à des antibiotiques qui étaient très efficaces. Il va donc falloir trouver de nouvelles molécules appropriées qui puissent traverser la barrière méningée, atteindre le système nerveux et soigner la méningite de façon efficace pour éviter de redoutables complications.
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