Guinée équatoriale : la pénurie de médicaments inquiète
La Guinée équatoriale fait face depuis plusieurs années à une pénurie de médicaments. Cette situation alimente le trafic de médicaments contrefaits.
Quatre pharmacies et toujours rien : Santos Bimbile patiente une énième fois dans la file d'une officine de la capitale, Malabo, pour trouver le remède qui pourra soulager le mal de ventre de sa belle-soeur. "C'est très difficile de mettre la main sur certains médicaments, et surtout à un prix abordable", se lamente-t-il. Et pour cause : en Guinée équatoriale, les 1,4 million d'habitants font face à une pénurie de médicaments qui affecte aussi bien le secteur public que celui du privé.
"Nous n'avons presque rien reçu depuis trois ans", se désole le directeur du Centre national du médicament (Centramed), Francisco Ondo Nsue. Cet organisme gouvernemental, chargé d'approvisionner hôpitaux et pharmacies du pays en matériel médical et en médicaments, est obligé de puiser dans les stocks, qui s'amenuisent de jour en jour, pour fournir pharmacies et hôpitaux.
Pharmacies fermées et patients désespérés
Fatima Nsang tient dans ses bras son bébé de 6 mois devant la pharmacie Los Angeles, l'une des plus réputées de Malabo. Il a du mal à respirer. "Je suis à la recherche de médicaments, on m'en a prescrit sept à l'hôpital, mais je n'ai pu en trouver que deux", peste-t-elle. Ocheku, un Nigérian de 40 ans, ressort dépité de l'officine, sans son anti-douleur. Même constat amer pour Esther Ada, qui n'a pu trouver un produit pour soigner son diabète.
Les étals de nombreuses pharmacies sont vides ou clairsemées à travers Malabo. Celle de Centramed, située à côté de la radio nationale, a même fermé ses portes depuis plusieurs mois, faute d'un approvisionnement suffisant. Et Bata, la capitale économique du pays, qui concentre quelque 800.000 habitants, est également touchée par cette pénurie. "Beaucoup de médicaments nous manquent ici", a confirme une responsable d'un établissement hospitalier de Malabo.
Mauvaise gestion ministérielle
La situation actuelle est largement due au manque d'investissement du ministère de la Santé dans l'achat de médicaments, selon le directeur de Centramed. Alors que le ministère dispose d'une allocation annuelle de l'État de 2 milliards de francs CFA, (environ 3 millions d'euros), "seulement 3% ont été dépensés", pointe du doigt Francisco Ondo Nsue. Le ministère de la Santé fait la sourde oreille face à ces accusations. Devant les difficultés d'approvisionnement, certaines pharmacies ont augmenté les prix. "Le Frenadol, un anti-grippal, coûte désormais 10.000 francs CFA (15 euros) contre 4.000 francs (6 euros) il y a quelques mois", déplore Ela Anguesomo, en sortant d'une pharmacie. Et la situation pourrait encore s'aggraver si le ministère de la Santé n'achète pas rapidement des médicaments, surtout avec la crise sanitaire en cours, alerte le directeur de Centramed.
Le pays connaît depuis 2014 des difficultés économiques en raison de la chute des cours des hydrocarbures, dont il dépend à 90%. "Si la Guinée équatoriale est considérée comme un pays au revenu moyen supérieur, son système de santé continue de connaître de nombreux problèmes qui touchent habituellement les pays à faibles revenus : personnel inadapté, longs délais d'attente, pénurie de médicaments et de matériel médical essentiels, et diagnostics erronés fréquents", déplorait en 2017 l'ONG Human Rights Watch. Autre sujet d'inquiétude : la prolifération de médicaments contrefaits, en provenance notamment du Cameroun voisin. Tant que les pharmacies resteront vides, le trafic aura un terrain pour se déployer, mettant ainsi en danger une population qui n'a pas d'autre choix pour tenter de se soigner.
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