Drépanocytose : au Bénin, "il y a des vaccins obligatoires pour les malades"
Près de 60% des personnes hospitalisées au service des maladies de sang du Centre National Hospitalier Universitaire Hubert Koutoucou Maga du Bénin sont drépanocytaires. Pour en savoir plus sur leur prise en charge, AlloDocteurs Africa a échangé avec le Dr Bienvenu Houssou.
Cette maladie du sang peut vous gâcher la vie ! La drépanocytose, une maladie génétique héréditaire, touche des milliers d'enfants au Bénin, dont beaucoup d'entre eux décèdent avant l'âge de 5 ans. Pourtant, une prise en charge précoce et adaptée permet aux patients de maîtriser leurs symptômes et d’éviter la survenue de crises graves.
À Cotonou, le Centre National Hospitalier et Universitaire Hubert Koutoukou Maga (CNHU-HKM) accueille de nombreuses personnes atteintes de drépanocytose. AlloDocteurs Africa a échangé avec le Dr Bienvenu Houssou, hématologue pour en savoir plus sur cette maladie et les conditions de prise en charge des malades.
AlloDocteursAfrica : C’est quoi concrètement la drépanocytose ?
Dr. Bienvenu Houssou : La drépanocytose est une maladie génétique héréditaire, donc transmissible des parents à leurs enfants. Elle caractérisée par une anomalie de l’hémoglobine. On distingue plusieurs types d’hémoglobines : il y a l’hémoglobine normale de type (A) et les hémoglobines anormales de type (C) et (S). On parle de drépanocytose quand la personne a l’hémoglobine anormale S, avec absence absolue de l’hémoglobine normale A. On dira donc qu’une personne est drépanocytaire lorsque ce dernier a l’hémoglobine deux fois S (SS) ou (SC).
Il y a plusieurs caractéristiques cliniques : les enfants drépanocytaires font parfois un retard de croissance, un retard de développement psychomoteur. Les infections à répétition font également partie des signes, et les crises de douleur vaso-occlusives.
A.D.A : Qu’est-ce qui explique ces crises douloureuses ?
Dr. B.H : Quand le drépanocytaire fait une activité physique intense, quand il est stressé ou déshydraté, cela crée un manque d’oxygène au niveau du sang. Et l’hémoglobine S, dans cette situation, entraîne une déformation du globule rouge qui prend une forme de faucille et perd sa capacité à changer de forme : il devient rigide et n’a plus la capacité de reprendre sa forme initiale. Cela fait que les globules rouges ne circulent plus bien, ils se coincent dans les vaisseaux, surtout au niveau des articulations, et empêchent le sang de passer. Il n’y a donc plus de passage de nutriments, de glucose etc. et les cellules qui sont en aval de cet obstacle ne seront pas bien nourries. C'est ce qui entraîne les douleurs aux bras, au dos, dans la poitrine etc.
A.D.A : En quoi consiste la prise en charge des drépanocytaires ?
Dr. B.H : Aujourd’hui, la drépanocytose peut être guérie. Cette guérison est possible par la greffe de moelle osseuse. Si dans la famille, il y a possibilité qu’on puisse trouver quelqu’un qui est compatible avec le malade, on greffe la moelle de la personne qui n’a pas la maladie à la personne malade. Seulement c’est une opération contraignante : nous sommes sur des budgets allant jusqu'à 600 millions de FCFA et il y a des médicaments qu’il faut prendre pour qu’il n’y ait pas de rejet de la greffe. Mais les études montrent que la greffe est efficace sur 1 personne sur 2 ! Il y a également la trans-génétique, qui travaille beaucoup sur des techniques qui vont permettre de changer les acides aminés de l'hémoglobine, ce qui va faire que la personne deviendra "AS" et pourra ainsi éviter les crises.
Pour les malades qui n'ont pas accès à ces traitements, au Bénin nous avons ce qu’on appelle le programme élargi de vaccination, car les drépanocytaires sont très vulnérables aux infections. Les vaccins sont gratuits jusqu’à 11 mois. Après cet âge, il y a des vaccins obligatoires pour les drépanocytaires, pour les protéger contre certaines maladies comme la diphtérie, la poliomyélite, la coqueluche, la rougeole, la tuberculose ou l’hépatite B. Le vaccin les protège au moins contre les formes graves, mais ils sont payants. Enfin lorsque le patient présente une crise d'anémie ou une crise douloureuse, on l'hospitalise et on utilise des médicaments pour calmer les douleurs.
A.D.A : Quelques conseils à l’endroit de la population ?
Dr. B.H : Avant de se mettre en couple, il vaut mieux faire une consultation et faire notamment l’électrophorèse de l’hémoglobine. Si on remarque qu’il y a des risques d’avoir des enfants drépanocytaires, il faut penser aux risques pour l'enfant et envisager de renoncer à son projet d'enfant.
Si on ne fait pas ce bilan, ou qu'on décide d'avoir des enfants malgré des risques identifiés, il faut faire le dépistage chez l'enfant très jeune. À la naissance, la mère confère à l’enfant une forme d’hémoglobine qu’on appelle hémoglobine F et qui protège l’enfant. Mais à partir de 6 mois de vie, l’enfant va se débarrasser de cette hémoglobine fœtale pour mettre en place sa propre hémoglobine. C’est exceptionnel d’avoir un enfant drépanocytaire qui présente les signes dans les 6 premiers mois. Après 6 mois, on peut mettre en place des traitements très tôt et faire les bons vaccins.
Enfin, à ceux qui sont drépanocytaires, il faut boire beaucoup d’eau, rester dans un endroit propre et bien aéré pour réduire les risques infectieux et il doit dormir sous moustiquaire et faire rigoureusement les vaccins. Le drépanocytaire doit faire attention et lutter de façon permanente contre les facteurs qui pourraient déclencher une crise.
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