Dr Hubert Leundji : “Près de 80% des Camerounais sont dans l’ignorance des hépatites“
Les hépatites B et C inquiètent au Cameroun. Pour en savoir plus sur ces maladies qui tuent plus que le sida et le paludisme, AlloDocteurs Africa a échangé avec le Dr Hubert Leundji, gasto-entérologue, hépatalogue et secrétaire général de l'ONG SOS Hépatites Cameroun.
Le Cameroun fait partie des pays les plus touchés en Afrique et dans le monde. Face à cette situation, les autorités multiplient les efforts pour se débarrasser des hépatites virales. Cette lutte est aussi appuyée par plusieurs associations, dont notamment SOS Hépatites Cameroun, une ONG qui sensibilise la population, organise des séances de dépistage et prend en charge les malades. Mais pour se débarrasser des hépatites B et C, le secrétaire général de SOS Hépatites Cameroun, le Dr Hubert Leundji, estime qu’il reste encore beaucoup à faire. Entretien avec un expert.
AlloDocteurs Africa : Que fait SOS Hépatites Cameroun ?
Dr Hubert Leundji : C’est une association à visée humanitaire qui existe depuis 2003 . Elle a pour but de lutter contre les hépatites chroniques et leurs complications que sont la cirrhose du foie et le cancer primitif du foie par la promotion de la prévention et le traitement de l’hépatite B et C, de l’hépatite alcoolique. C’est une association de personnes malades et de personnes non malades qui, à ce jour, compte à peu près 500 membres. Un membre c’est toute personne qui adhère aux objectifs de l’association et qui est reconnu. L’approche que nous utilisons c’est la sensibilisation, l’accompagnement des personnes affectées ou infectées dans le dépistage et la prise en charge, l’éducation (par des causeries éducatives, les médias, les réseaux sociaux, l’organisation des séminaires de formation et le soutien des projets de recherche portant sur les hépatites). Nous organisons régulièrement des campagnes de sensibilisation et de dépistage communautaires. Nous sommes aussi présents dans plusieurs hôpitaux et maternités avec des cellules d’écoute et de soutien psychosocial. Nous soutenons les programmes de prévention de la transmission mère–enfant de l’hépatite B avec vaccination précoce des enfants nés de mères infectées.
A.D.A : Que pensez-vous de la prise en charge des hépatites au Cameroun ?
Dr. H.L : L’accès au diagnostic et au traitement des hépatites n’est pas toujours évident. Beaucoup de patients viennent vers nous pour demander une aide à la prise en charge. Nous ne sommes satisfaits que très partiellement des résultats que nous avons obtenus, car nous nous rendons compte que beaucoup reste à faire pour sensibiliser les Camerounais. Près de 80% de la population est encore dans l’ignorance des hépatites. Durant les 5 dernières années, les campagnes de dépistage communautaires ont permis à Sos Hépatites Cameroun de tester environ 2.500 personnes chaque année et de faire connaitre leurs statut sérologique pour l’hépatite B ou C. Nous avons d’autres soucis : beaucoup de ceux qui connaissent leur statut n‘arrivent pas à accéder à la prise en charge. Beaucoup sont bloqués au niveau du bilan pré-thérapeutique dont le coût varie entre 200.000 FCFA (environ 200 euros) et 300.000 FCFA (aux alentours de 460 euros). Malgré la baisse relativement importante du coût du médicament, la prise en charge n’est pas encore accessible à beaucoup de personnes. A ce jour, un traitement complet d’hépatite C sans comorbidité coûte environ 300.000 FCFA. Pour l'hépatite B, un traitement à base de Ténofovir oscille mensuellement entre 3.500 et 80.000 FCFA. Alors que pour traiter l'hépatite B avec le Pégasys, il faut compter 200.000 FCFA par mois. Aujourd’hui, on compte par milliers le nombre de patients qui ont sollicité le concours de SOS Hépatites Cameroun et qui attendent encore une aide pour commencer leur prise en charge.
A.D.A : A ce jour, combien de personnes souffrent d’hépatites au Cameroun ?
Dr. H.L : Au Cameroun, les deux problèmes majeurs sont l’hépatite B et l’hépatite C. Elles posent plus de problèmes parce qu’elles peuvent évoluer vers la chronicité et donner la cirrhose et le cancer. Le taux de prévalence de l’hépatite B est de l‘ordre de 10%. Soit 10% des 25 millions de Camerounais. Pour ce qui concerne l’hépatite C, le taux de prévalence a beaucoup évolué. En 2009, il était de 13%. Mais il n’est pas le même pur toutes les tranches d’âge. Au cours de l’étude que nous avons menée en 2009, il variait selon l'âge de la population. Pour les personnes nées avant 1960, ce taux frôle les 22%. Pour celles qui sont nées après 1980, le taux est à peine de de 1%.
A.D.A : Comment expliquez-vous cette différence de prévalence selon l'âge ?
Dr. H.L : L’hépatite C se transmet exclusivement par le sang. On sait que la plupart de ces adultes âgés ont été exposés au risque de contamination par transfusion de sang, injection ou piqûre avec du matériel mal stérilisé et lors de rapports sexuels avec présence de sang ou des muqueuses blessées. Mais avec l’arrivée du VIH dans les années 80, les comportements à risque de transmission par le sang ont beaucoup changé expliquant très probablement la baisse spontanée de la prévalence de l’hépatite C chez les plus jeunes.
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