A Madagascar, la kéré pousse la population à manger de l'argile blanche
A Madagascar, la kéré (famine en malgache), fait rage. Pour se remplir le ventre et supporter la faim, certains sont contraints de manger de l'argile blanche. Mais ce n'est pas sans risques pour la santé.
L'argile blanche comme substitut alimentaire ? Dans le sud de Madagascar, ravagé cette année par la sécheresse, elle aide depuis des mois à affronter la famine. "On l'appelle la terre de survie, car elle permet de faire passer dans la bouche le goût acide du tamarin qui nous sert à tromper la faim", explique l'agriculteur Doday Fandilava Noelisona, 35 ans, dans le village de Fenoaivo.
Après plus d'un an sans pluie, "l'heure n'est plus à la recherche de nourriture qui fait vivre, mais aux moyens de remplir le ventre vide pour survivre", raconte ce père de six enfants. L'aliment principal dans la région est le fruit de cactus. Mais même le cactus souffre maintenant du manque d'eau et ne donne plus de fruit. Sa peau flétrie, fait rarissime, témoigne de la difficulté extrême.
La kéré emporte les enfants
Face à la famine, l'argile devient la seule solution ! Pour que sa famille ne meure pas de faim, Doday Fandilava Noelisona vend du charbons 30 centimes le sac, ce qui permet à sa famille de manger du manioc une fois par jour. Alors, comme ses voisins, pour compléter, ils mangent argile et tamarin. Les enfants sont les premières victimes, supportant mal l'argile mélangée au tamarin, "qui cause des gonflements de ventre", explique Théodore Mbainaissem, chef local du Programme alimentaire mondial (PAM).
"Ici, la malnutrition infantile est cyclique. Cette année ça a commencé plus tôt", note Annick Rakotoanosy, responsable nutrition d'Action contre la faim (ACF). Une cinquantaine d'enfants sévèrement malnutris, ventres gonflés et jambes maigres, y sont pris en charge une fois par semaine. Ils risquent la mort, "surtout si la malnutrition est accompagnée de complications, diarrhées, infections respiratoires ou paludisme".
Le retour de l'ère des squelettes ?
Sans assistance alimentaire d'urgence, "on frôle la catastrophe, car maintenant, même les tamarins commencent à se raréfier", soupire Théodore Mbainaissem. La plus grande crainte est la réédition de la terrible sécheresse qui avait fait des centaines de morts dans les années 1990.
"On appelle cette époque l'ère des squelettes éparpillés, car on en voyait partout, sur les routes. Les gens n'avaient plus la force d'enterrer les dépouilles de leurs frères et sœurs", se souvient Avianay Idamy, 42 ans, père de neuf enfants. La moitié de la population du sud du pays, soit 1,5 million de personnes, a actuellement besoin d'une aide alimentaire d'urgence, selon le PAM. Ce qui nécessiterait 31 millions d'euros à débloquer d'urgence.
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