Coronavirus : Saturés, les hôpitaux tunisiens attendent l'arrivée du vaccin

Submergée par le coronavirus, la Tunisie assiste à une augmentation inquiétante du nombre de malades du Covid-19. Et alors que les hôpitaux ne cessent de se remplir, le vaccin se fait toujours attendre.

Badr Kidiss avec AFP
Badr Kidiss avec AFP
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La Tunisie attend avec impatience l'arrivée des vaccins anti-Covid (photo d'illustration)
La Tunisie attend avec impatience l'arrivée des vaccins anti-Covid (photo d'illustration)

L'inquiétude est à son comble ! "Depuis décembre, les 18 lits roulent en continu", explique Amira Jamoussi, médecin réanimatrice à l'hôpital Abderrahmen Memmi, dans l'un des principaux services dédiés au Covid-19 en Tunisie. "Des malades peuvent rester 72 heures ou plus en attente d'un lit de réanimation - quelque fois le lit ne se libère pas et on a malheureusement des décès aux urgences ou dans les étages", s'émeut-elle. 

Le ministère de la Santé annonce désormais 50 à 100 décès par jour, contre un total de 50 morts entre mars et juillet dernier, et il devient de plus en plus difficile de prendre en charge les cas très graves. "Le tunnel est encore long", a averti l'Organisation mondiale de la Santé, alors que la vaccination devrait débuter à la mi-février, plusieurs semaines après les pays voisins, Maroc et Algérie. 

Les médecins doivent choisir qui admettre dans leur service, "c'est beaucoup sur nos épaules", souligne le Dr Jamoussi. Des patients sont envoyés vers une annexe temporaire de l'hôpital, installée dans un complexe sportif de la capitale, et certains se tournent vers le privé, quitte à "vendre leur voiture". 

"Sous pression"

La Tunisie a bien circonscrit la première vague grâce à des mesures strictes et précoces, ce qui a laissé le temps aux services de santé de s'équiper et s'organiser. Le nombre de lits de réanimation Covid dans le pays est passé de 96 à 350, souligne le Pr Jalila Ben Khelil, membre de la commission Covid. Et une plateforme informatique a été mise en place pour identifier les lits disponibles, explique-t-elle. Mais cela exige parfois des transferts à plus de 150 km de distance, impossibles pour certains malades.

L'Etat, qui s'était engagé à réduire les emplois au sein de la fonction publique, a dû se résoudre à embaucher du personnel soignant - environ 1.300 personnes ont ainsi été recrutées pour un an. "On est de plus en plus sous pression, mais on est plus aguerris aussi", souligne le Pr Tahar Mestiri, qui dirige l'installation temporaire dans une salle de sport d'El Menzah, près de Tunis.

Un service similaire a été lancé dans les locaux d'un futur hôpital construit par la Chine à Sfax, grande ville portuaire du centre. Dehors, une famille arrive pour tenter de faire soigner un proche, en vain: elle est orientée vers les urgences d'un hôpital, qui seules peuvent évaluer l'état des patients avant de les répartir.

Course aux vaccins

Les mesures de prévention en vigueur depuis des mois restent peu appliquées, en dehors d'un couvre-feu à 20h: le port du masque est anecdotique, et les autorités ont mené peu de contrôles.

Face à la flambée épidémiologique, Tunis s'est jetée dans la course aux vaccins. Une campagne était initialement programmée en avril, mais le gouvernement a finalement annoncé l'arrivée dès février de 94.000 doses du vaccin germano-américain Pfizer et de vaccins AstraZeneca. Des négociations sont également en cours pour obtenir des vaccins russes Spoutnik V, qui viennent d'être autorisés en Tunisie.

Dernier au Maghreb

La Tunisie sera le dernier pays du Maghreb à débuter la vaccination. Le Maroc a accepté des tests du vaccin chinois en échange de doses de Sinophram qui ont permis, avec AstraZeneca, de vacciner 250.000 personnes depuis le 29 janvier. Alger a activé ses liens privilégiés avec la Russie pour obtenir 50.000 doses de Spoutnik V et débuté la vaccination le 30 janvier.

La Tunisie, elle, a pâti de son faible poids diplomatique, et de son instabilité politique: le pays a compté trois ministres de la Santé depuis le début de la pandémie. Le député Hassouna Nasfi déplore un relâchement des efforts durant l'été, lorsque le gouvernement a été limogé. En outre, Tunis s'appuie très largement sur la Banque mondiale pour financer la campagne, ce qui nécessite d'attendre l'homologation des différents vaccins. "Il y a un petit décalage mais on ne peut pas parler de retard", assure Ahlem Gzara, membre de la commission des vaccins au ministère de la Santé, indiquant que Tunis compte vacciner la moitié de sa population adulte d'ici la fin de l'année. 

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