Farine et huile de poisson : l'exportation affame l'Afrique de l'Ouest

La production et l'exportation de farine et d'huile de poisson pour les marchés européens et chinois privent des millions d'Africains de nourriture. Greenpeace tire la sonnette d'alarme.

Alicia Mihami
Rédigé le , mis à jour le
La transformation et l'exportation du poisson affame l'Afrique de l'Ouest (Image d'illustration/Crédit photo Dietmar Temps)
La transformation et l'exportation du poisson affame l'Afrique de l'Ouest (Image d'illustration/Crédit photo Dietmar Temps)

Les Africains doivent préserver leurs ressources ! Les producteurs de farine et d'huile de poisson, destinées aux industries européennes et asiatiques, privent les populations d'Afrique de l'Ouest d'une part importante de leur alimentation et contribuent au pillage des ressources de pêche. C'est ce que dénonce l'ONG de protection de l'environnement Greenpeace dans un rapport publié mardi.

Quelque 500.000 tonnes de poissons, qui pourraient finir dans l'assiette de 33 millions de personnes sur le continent africain, sont en fait transformées chaque année en farine et en huile de poisson. Ces produits sont ensuite exportés pour des secteurs comme l'aquaculture, l'agriculture, les compléments alimentaires, les produites cosmétiques et le bétail détaille Greenpeace.

Une production en augmentation

La production de farine et d'huile de poisson en Afrique de l'Ouest est passée de 13.000 tonnes en 2010 à 170.000 tonnes en 2019, selon l'ONG, qui tire la sonnette d'alarme depuis plusieurs années. "Cette pratique compromet non seulement la sécurité alimentaire des communautés côtières en Mauritanie, au Sénégal et en Gambie", mais privent aussi "celles continentales du Mali et du Burkina Faso, d'une de leurs principales sources de protéines", souligne le rapport.

Greenpeace relève que, selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), les principales espèces utilisées pour la production de farine et d'huile de poisson, la sardinelle et l'ethmalose (sardine des estuaires, ou bonga) sont "surexploitées". Cela représente "une sérieuse menace pour la sécurité alimentaire de la sous-région", met en garde le rapport.

Exportation vers l'UE et la Chine 

L'Union européenne est le principal marché de ces produits. "En 2019, plus de 70% de l'huile de poisson produite en Mauritanie a été destinée à l'UE". Une bonne partie de la production du Sénégal, par exemple, va en Espagne. La Chine, où la demande en farine de poisson a explosé en raison des besoins accrus dans l'aquaculture, figure également parmi les principaux destinataires, avec d'autres pays asiatiques comme le Vietnam et la Malaisie.

Cette production industrielle a aussi des répercussions "sévères et négatives en matière environnementales, socioéconomiques et pour la santé humaine", selon l'ONG. En Mauritanie, "de nombreuses plaintes sur des maladies chroniques et des problèmes liés à l'asthme ont été enregistrées, en même temps que des dommages environnementaux dans des zones proches des usines", dit le rapport. Les populations les plus affectées "sont les femmes, qui traditionnellement font du poisson fumé, salé et séché qu'elles écoulent sur le marché local, et les pêcheurs artisanaux". Greenpeace appelle les pays  de la région à arrêter la production d'huile et de farine de poisson et à donner la priorité à la consommation humaine des produits de la pêche. 

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