En Afrique, "il y a encore le déni du Sida"

A l'occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida, le Dr Mamadou Sakho, conseiller régional de l'ONUSIDA, a bien voulu nous en dire plus sur cette maladie qui fait encore des ravage en Afrique de l'Ouest.

Barou Dembélé
Rédigé le , mis à jour le
Le dépistage du VIH reste compliqué en Afrique
Le dépistage du VIH reste compliqué en Afrique  —  Image d'illustration

Si le continent a réalisé plusieurs progrès dans la lutte contre le VIH/Sida, certains pays africains sont encore à la traîne. En Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale, "seule la moitié des personnes vivant avec le VIH sont sous traitement", estime l'ONUSIDA. Et celle maladie n'épargne pas les enfants. Rien qu'au Sénégal, près de 5000 enfants vivent avec le VIH/Sida. Pour en savoir plus, AlloDocteurs.Africa a échangé avec le Dr Mamadou Sakho, un médecin sénégalais et conseiller de l'agence onusienne pour l'Afrique de l'Ouest.

AlloDocteurs.Africa : Comment se présente aujourd’hui le Sida en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale ?

Dr Mamadou Sakho : Dans cette zone, on a environ cinq millions de personnes qui vivent avec la maladie et les deux tiers sont des femmes. Mais l’évolution de l’épidémie, comparée aux nouvelles infections, a été ralentie. Il y a une réduction des nouvelles infections au Sénégal et un peu partout dans la sous-région. Mais on n’a pas encore trouvé de vaccin pour cette maladie. Nous sommes sûrs que l’épidémie devra encore être stoppée dans les groupes les plus à risque, ceux qu’on appelle les "key populations". Sinon, ça va continuer malheureusement.

AlloDocteurs.Africa : Qu’est-ce qui fait que l’Afrique de l’Ouest est en retard par rapport à l’Afrique de l'Est ?

Dr.M.S : On est en retard par rapport à l’Afrique de l’Est, à cause de notre réaction face à l’épidémie. On assiste à une épidémie généralisée et très précoce en Afrique de l’Est, et les dirigeants en ont pris conscience beaucoup plus vite. Les communautés ont été rapidement confrontées au VIH en voyant de nombreuses personnes souffrir à cause de la maladie. Et ils ont réagi aussi vite. En Afrique de l’Ouest, l'épidémie est arrivée tardivement et la prévalence de la maladie est encore faible. C’est une épidémie concentrée chez quelques personnes. Mais il y a encore un déni, beaucoup de gens qui n’y croient pas. Il y a une stigmatisation et une discrimination.

AlloDocteurs.Africa : Peut-on encore "nier" l'existence du Sida ?

Dr.M.S : Il y a même des gouvernements en Afrique qu’on doit encore convaincre de l’existence du Sida ! C’est pour cela que le financement et l’engagement politique sont très inégalitaires par rapport à l’Afrique de l’Est. Mais nous sommes optimistes, parce que les pays de la Cedeao se sont engagés à augmenter les budgets de santé à 15%. Nous les invitons à respecter leurs engagements et que l’argent soit mieux orienté vers les groupes les plus vulnérables, que ça soit chez les mères,  les enfants, les jeunes...

AlloDocteurs.Africa : Le Sénégal est cité en exemple en Afrique de l’Ouest dans la lutte contre le Sida. Qu'est-ce qui a permis au pays de se démarquer ?

Dr.M.S : Le Sénégal a consenti des efforts très importants dans la lutte contre le Sida, avec la gratuité des médicaments antirétroviraux (ARV) pour les personnes qui ont le VIH. Le deuxième pas est l’intégration et la décentralisation des activités de lutte contre le Sida. Ce qui leur reste, le dernier maillon, c’est la conviction des groupes de la société civile à comprendre l'importance de considérer les personnes à risque, et permettre aux séropositifs de ne plus souffris de stigmatisation et de discrimination. Ces malades ont besoin de protection sociale et de soutien. Parce que les modes de transmission du VIH font que personne n’a choisi d’être infecté. Il y a un besoin de communication efficace et de compréhension. Le droit à la santé est universel. C’est pourquoi l’ONU se bat pour que tous ces groupes aient accès aux services de santé.

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