Quand les décoctions engendrent des problèmes de santé...

Au Cameroun, le traitement à base des plantes médicinales est multiséculaire (très ancien). Mais attention, ce n'est jamais une solution totalement sûre.

Marinette Nguimfack Standley
Rédigé le , mis à jour le
Une décoction (photo d'illustration)
Une décoction (photo d'illustration)

Les décoctions ne sont pas passées de mode ! Les raisons qui poussent les populations camerounaises à se ruer sur ces remèdes traditionnels sont nombreuses... Par exemple :

  • L’accès limité aux soins de santé de qualité et aux hôpitaux dans certaines régions
  • Le manque de moyens suffisants pour suivre un traitement médicalisé
  • la peur de l’hôpital en cette période de crise sanitaire de la Covid-19.

Le problème : ce n'est pas une méthode "sûre" pour se soigner ! La prudence est donc de mise. AlloDocteurs Africa vous explique pourquoi.

Les décoctions, des "solutions" à mille inconnues

La phytothérapie - des traitements à base de plantes médicinales - est très répandue dans le pays du président Paul Biya. Elle a des vertus et de nombreux médicament viennent d’ailleurs des plantes.  Sur plus de huit milles espèces végétales identifiées, une quarantaine sont exploitées massivement :

  • pour prévenir certaines maladies
  • les traiter quand elles sont déjà là
  • ou simplement assurer son bien-être !

Le principal problème des traitements à base de "décoctions", une méthode d'extraction des principes actifs d'une plante par ébullition, c'est que leur composition exacte n'est pas bien définie. Souvent, l'un des constituants susceptibles d’avoir des toxines est mal identifié. Cela veut dire que l'on peut s'empoisonner. Et les "polluants" ayant un impact sur le corps, une toxicité sont nombreux, par exemple  :

  • des pesticides
  • des métaux lourds
  • des pollens
  • des champignons et moisissures, à l'origine de certaines toxicités.

Résultat de ces concoctions mal maîtrisées : beaucoup, en payent le prix fort ! Avec des effets secondaires du plus anodin au plus sérieux :

  • nausée
  • vomissements
  • fatigue
  • diarrhée
  • hyperglycémie
  • troubles respiratoires
  • céphalées (maux de tête)...

...sont parfois observés, pour ne citer que ceux-là ! 

"Je ressentais des brûlures partout dans le ventre"

Les Camerounais ayant subi leur conséquences sont nombreux. Damien en fait partie. Journaliste, il a confié à la correspondante d'AlloDocteurs.Africa avoir pris une décoction composée de racines de plantes pour soigner une typhoïde. Tout allait mieux les premiers jours selon lui, mais une semaine après, il souffrait toujours.

Mes yeux étaient jaunes, ainsi que mon urine. Mon entourage était convaincu que j'avais la jaunisse (le symptome d'une hépatite). Alors, on m'a concocté une deuxième potion à base de vin blanc (vin de raphia), qu’on a laissé fermenter. Après quelques jours de prise, je ressentais des brûlures partout dans le ventre ! Je suis allé à l’hôpital. Mon estomac et mon foie était très atteints”, nous explique-t-il. Un médecin spécialiste a conclu, après des analyses, que sa maladie n'était pas traitée et que la crise aiguë au niveau du foie et de l'estomac, était sans doute due... aux décoctions !

Quant les anarqueurs s'y mêlent

Sandrine, jeune mariée, dans sa quête pour concevoir un enfant, a, elle aussi, été victime d'un "tradi-praticien" qui faisait croire aux femmes que ses potions étaient une source de fécondité. “Il nous disait de ne pas faire le test de grossesse, ni l’échographie, jusqu’à 6 mois, sinon le fœtus allait mourir”, nous a-t-elle confié.

Finalement, lasse de voir ces tests de grossesse restés négatifs après 2 mois de "traitement", la jeune femme a arrêté de boire ces potions. “J’ai eu de la chance parce qu’une dame que j’avais vu chez ce traitant, m’avais confié qu’après 6 mois de suivi, elle ne comprenait pas pourquoi, l'enfant ne bougeait pas. Elle a fait une échographie en secret, et se sont des fibromes qu’on a découvert dans son ventre”, rapporte-t-elle.

Mise en garde sur les décoctions

Malgré ces mauvaise expériences, certains ne jurent toujours que par les médicaments traditionnels... Pour eux, c'est naturel et donc sans danger. Et pourtant! Le Docteur Djomo Kopa, Gastroentérologue à l’hôpital Général de Douala, explique à AlloDocteurs.Africa, que beaucoup de malades, qui ont prit des décoctions durant cette période de Covid-19, sont revenus à l’hôpital pour des problèmes gastriques.

Selon elle, la pharmacopée traditionnelle est un gros problème de santé publique. “On ne sait pas quels principes actifs sont à l’intérieur. Il n'y a pas de dosage, et certaines potions n’agressent pas seulement le foie et les reins, mais aussi le tube digestif et parfois les poumons”, détaille-t-elle, en concluant qu’elle ne conseillerait pas, en tant que médecin, de prendre des décoctions. Nous vous conseillons donc la plus grande prudence si vous faites appel à la médecine traditionnelle et de ne pas attendre d'avoir des symptômes ou douleurs trop importants avant d'aller voir un médecin.

Pour ne manquer aucune info santé, abonnez-vous à notre newsletter !