Coronavirus : de Madagascar à la Guinée équatoriale, l'artemisia a le vent en poupe

Depuis que le président de Magadascar, Andry Rajoelina, a présenté l'artemisia comme ayant des vertus thérapeutiques pour prévenir et soigner le coronavirus, de nombreux pays africains comme les Comores, le Sénégal ou la Guinée équatoriale se ruent sur cette plante médicinale traditionnelle.

Badr Kidiss avec AFP
Badr Kidiss avec AFP
Rédigé le , mis à jour le
De nombreux Africains se ruent sur l'artemisia pour se protéger du coronavirus (photo d'illustration)
De nombreux Africains se ruent sur l'artemisia pour se protéger du coronavirus (photo d'illustration)

Elle est de plus en plus prisée. L'artemisia, une sorte de fougère verte aux faux airs de cannabis, rencontre un succès grandissant en Afrique. Ses promoteurs la vantent comme le premier traitement efficace contre le coronavirus. Ses détracteurs la ravalent au rang d'une potion magique au mieux inutile, au pire dangereuse.

Si les vertus thérapeutiques de l'artemisia, son nom scientifique, ont été reconnues dans les multithérapies contre le paludisme, aucune étude clinique n'a encore confirmé son efficacité curative, ni même préventive, contre le nouveau coronavirus (Covid-19). De quoi pousser l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC) à insister sur la nécessité de valider scientifiquement les remèdes locaux. En parallèle, certains pays comme le Maroc mettent en garde contre l'utilisation de plantes médicinales pour se protéger de cette maladie infectieuse qui a fauché la vie de plus de 3.000 personnes sur le continent africain, à la date du 21 mai. 

L'artemisia nourrit l'espoir et la controverse depuis que le président de Madagascar Andry Rajoelina l'a présentée comme un remède susceptible de stopper, bien avant les futurs vaccins occidentaux, la pandémie meurtrière de Covid-19. Persuadé comme il l'a dit de pouvoir "changer l'histoire", le chef de l'Etat malgache a largement distribué son breuvage à base d'artemisia, à sa population puis sur le continent. La Guinée Equatoriale, le Niger, la Tanzanie, le Sénégal ou les Comores ont accepté quelques cartons de cette tisane, baptisée Covid-Organics.

Un succès dans tout le continent 

Dans une Afrique très attachée à sa médecine traditionnelle, l'artemisia, originaire de Chine, a désormais le vent en poupe. Et d'abord à Madagascar, où la potion, à 30 centimes d'euro la bouteille de 33 centilitres, se vend comme des petits pains. "Les tisanes font partie de la panoplie des médecines traditionnelles et de notre culture", explique l'ex-ministre de l'Education Paul Rabary, un convaincu.

Le succès fut tout aussi immédiat au Sénégal et, sans surprise, les prix flambent. "La vente au détail se fait à raison de 2.500 francs CFA (environ 3,7 euros) les 50 grammes contre 1.500 auparavant", se frotte les mains Ibrahima Diop, un producteur de la région de Dakar. Le tableau est le même dans d'autres pays du continent. "J'ai beaucoup de clients qui veulent m'en acheter mais je n'en n'ai plus",  s'enthousiasme Haoua Wardougou, apothicaire d'un quartier populaire de la capitale tchadienne, N'Djamena, "je suis débordée".

Et le Covid-Organics ?

Si les Africains sont de plus en plus nombreux à se ruer sur l'artemisia, le Covid-Organcis est loin de faire l'unanimité. "Nous serions très fiers qu'une solution dans cette guerre contre le Covid-19 vienne d'un pays africain", a reconnu le chef du Centre africain de prévention des maladies (CDC-Africa), John Nkengasong, "mais nous devons rester méthodiques avant de valider un quelconque remède".

Certains pays africains, circonspects, ont ainsi confié leurs lots de Covid-Organics aux experts pour examen. "Ils seront soumis au même processus que tous les autres produits avant leur mise sur le marché", a assuré le chef de la cellule nigériane chargée de la lutte anticoronavirus, Boss Mustapha. "Il n'y aura pas d'exception". Même à Madagascar, les doutes persistent. Le doyen de la faculté de médecine de Toamasina (est), le Dr Stéphane Ralandison, a mis en garde contre les méthodes "pas bien scientifiques" qui ont présidé au lancement de la tisane. "Je suis extrêmement prudent", confie aussi le sociologue Marcel Razafimahatratra. "Pourquoi les Chinois n'ont pas utilisé ce remède ?", demande-t-il en rappelant que l'artemisia est utilisée par la médecine chinoise depuis des siècles.

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