Diabète : une "épidémie" en Afrique !

Le diabète menace la santé de plusieurs millions de personnes en Afrique. Mais pourquoi cette maladie chronique progresse-t-elle aussi vite sur le continent ? Quelle est la situation dans les différents pays francophones ? AlloDocteurs.Africa fait le point avec vous.

Badr Kidiss
Badr Kidiss
Rédigé le , mis à jour le
Le diabète se répand en Afrique comme une épidémie (Image d'illustration)
Le diabète se répand en Afrique comme une épidémie (Image d'illustration)

Que ce soit à Alger, Dakar, Abidjan, Brazzaville ou encore Bamako, nos médecins sonnent l'alarme : le diabète est en constante progression en Afrique. Et c'est sérieux car non traité, ce mal peut tuer. Chaque année, 300.000 Africains perdraient ainsi la vie à cause de cette maladie "chronique", c'est-à-dire qui ne se guérit pas et qu'on traite à vie. Mais le diabète, c'est quoi au juste? On distingue quatre types de diabète :

  • Le diabète de type 1 qui survient très tôt dans la vie mais représente à peine 10% des cas dans le monde. Il est lié au fait que l'organisme ne produit plus du tout d'insuline. On parle alors d'insuffisance totale.
  • Le diabète de type 2 qui survient un peu plus tard dans la vie, c'est-à-dire après 35/40 ans. Il est souvent lié à l'obésité et représente près de 85% des cas.
  • Le diabète de la femme enceinte qu'on appelle aussi diabète gestationnel. Il peut (ou pas) disparaître à l'accouchement
  • Le diabète spécifique qui est lié à une prise de médicaments ou à certaines maladies génétiques particulières. 

Les formes de la maladie les plus fréquemment rencontrées sont le diabète de type 1, le diabète de type 2 et le diabète de la femme enceinte.  

​L’UNFM, partenaire de notre dossier spécial diabète

Pourquoi le diabète explose en Afrique

Si le diabète s'envole en Afrique, c'est parce qu'on  vit et qu'on mange différemment, et souvent moins bien ! Pour les spécialistes, on assiste à ce qu'on appelle "une transition nutritionnelle et des changements de mode de vie", comme l'explique le Docteur Evariste Bouenizibala, diabétologue au Congo et ancien président de la fédération internationale du diabète en Afrique. "Le nombre de diabétiques se multiplie car les populations du continent sont de plus en plus obèses ! On sait aussi qu'il existe un écart entre les grandes villes du pays et les zones rurales, les campagnes, notamment parce que les gens marchent de moins en moins dans les villes." En somme, nous serions nombreux à être rendus un peu "paresseux" du fait de nos modes de vie ! 

Si on a tendance à croire que le diabète ne touche que les personnes âgées, le médecin nous rappelle que "la population africaine a la singularité de faire du diabète un peu plus tôt que les autres populations. On peut être atteint d'un diabète à 35 ou 45 ans". Une singularité qui serait également liée "à l'urbanisation et la sédentarisation, qui ont pris de l'ampleur en Afrique". 

Des zones particulièrement touchées

Parmi les "mauvais élèves" du continent, le Maghreb est particulièrement touché par le fameux diabète de type 2, avec près de 10 millions de diabétiques, soit presque la moitié des malades en Afrique. Ces chiffres particulièrement élevés s’expliquent par une forte prédisposition génétique, c'est-à-dire que le diabète se "transmet".

L'hérédité est l'un des premiers facteurs de risque du diabète, donc lorsqu'on a un cas de diabète dans la famille, on a plus de risques de développer cette maladie” explique le Dr Bouenizibala. "Et dans la plupart des pays maghrébins, il existe ce qu'on appelle une grande pénétrance héréditaire, c'est-à-dire que la transmission du diabète au sein des familles est très élevée”.

Mais alors si mon père ou ma mère est diabétique, je suis forcément condamné au même sort ? Prudence ! C'est un peu plus compliqué que ça :  avoir un parent diabétique n’est pas une sentence irrévocable. Cela augmente simplement les risques de développer un diabète mais si on fait attention à son alimentation, qu'on pratique une activité physique, on peut souvent éviter de devenir diabétique ou rendre son diabète plus supportable.

C'est pour ça que connaître son hérédité est important : pour anticiper l’apparition de la maladie. “Ça reste un facteur important qui permet de savoir qu'on est à risque du diabète” explique le Dr. Bouenizibala. “Quand on a des antécédents dans la famille, on peut faire un dépistage à 40 ou 45 ans. C'est ce qu'on appelle un dépistage ciblé, pour savoir si on développe la maladie ou pas”. Et si malgré tout on développe un diabète ? Pas de panique ! On peut tout à fait vivre avec son diabète en respectant certaines précautions alimentaires et en maintenant une activité physique.

Une qualité de vie inégale 

En Afrique, le diabète reste socialement handicapant, beaucoup de malades souffrent de clichés sur cette maladie.... Pour Baye Oumar Gueye, président de l'Association sénégalaise de soutien et d'assistance aux diabétiques (Assad), il est essentiel de montrer que les diabétiques “sont capables de travailler, que les enfants sont capables d’aller à l’école, poursuivre leurs études”. Dans ce but, l’Assad travaille notamment à lever les préjugés qui existent encore autour du diabète. "Les mots soignent les maux!", résume Baye Oumar Gueye. 

Les diabétiques souffrent aussi d’un manque de structures adaptées sur le continent et les inégalités entre les pays sont nombreuses. Au Sénégal par exemple, l’insuline est subventionnée par le gouvernement. C’est la moins chère du continent, ce qui constitue “un acquis majeur pour la qualité de vie des diabétiques de type 1 du pays. Mais ils ne représentent que 20% de la population diabétique” explique Baye Oumar Gueye. “Les 80% restants, les types 2, sont des malades souvent âgés, issus de familles pauvres, avec des polypathologies, c’est-à-dire des complications liées au diabète”.  

Et plus un pays est instable, plus la condition des diabétiques est précaire : dans bon nombre d’États africains, comme le Mali et le Burkina Faso, l’insuline est chère ou en état de pénurie et les structures médicales ne suivent pas. Pour les malades, c'est la double-peine...

Ne pas rester seul face à son diagnostic

Mais un diabétique n'est pas qu'un malade ! Face à un diagnostic qui change la vie, on peut se sentir réduit à sa condition de malade. C'est pour cela que les associations de diabétiques sont importantes."Au delà de l'aspect médical et d'aider les malades à équilibrer leur diabète, nous jouons un rôle de soutien psychologique essentiel" raconte Baye Oumar Gueye.

"Il ne faut pas se laisser abattre et surtout ne pas se replier sur soi ou se laisser gagner par la honte. Les diabétiques n'ont pas à se cacher !" clame-t-il. Il a raison. Trop souvent sur notre continent, on fait peser sur des personnes leur état de santé. Mais on est jamais coupable d'être malade ! Les mentalités et les regards doivent changer comme sur certaines infirmités ou d'autres maladies comme la drépanocytose, le VIH/sida ou encore la santé mentale. 

L'isolement social est d'ailleurs un des effets annexes du diabète qui s’est généralisée avec le coronavirus : “Les diabétiques sont restés silencieux, dans leur coin, pendant la pandémie", se désole Baye Oumar Gueye, "On a perdu beaucoup de personnes âgées : elles ne pouvaient plus aller dans les hôpitaux, qui sont devenus des viviers de contagion". Certains malades se sont donc cloîtrés chez eux et beaucoup ont développé des complications, parfois mortelles faute de soins... "Heureusement, en maintenant le contact, nous avons pu éviter les mouvements de panique et de peur et rassurer la plupart de nos adhérents", finit-il sur une note positive.

Les nouvelles technologies au secours des diabétiques

Il y a heureusement des raisons de se réjouir. Les progrès technologiques apportent une lueur d'espoir à bon nombre de diabétiques ! Des applications que tout le monde connaît en Afrique, comme Whatsapp, ont un rôle à jouer. L'Assad a ainsi formé un réseau de communication sur Whatsapp pour permettre à ses membres de se soutenir, de prendre des nouvelles les uns des autres et de s'entraider au plus fort de la pandémie. Et ne pas se sentir seul, ça fait beaucoup de bien !

L’examen du fond d'œil a aussi beaucoup évolué avec la révolution numérique : on dispose aujourd'hui de caméras numériques qui permettent de dépister très tôt la rétinopathie diabétique, cette affection qui peut mener à perdre la vue quand on est diabétique. À Brazzaville, dans "la maison bleue du diabète", un rétinographe numérique permet d'envoyer des images sur une plateforme où elles sont analysées par intelligence artificielle. Cela permettra de démocratiser ces examens essentiels.

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