De plus en plus de Camerounais touchés par la maladie de Charcot

Egalement appelée sclérose latérale amyotrophique (SLA), la maladie de Charcot touche des milliers de personnes en Afrique. Et le Cameroun n'est pas épargné par cette maladie rare qui fait perdre aux malades le contrôle de leurs muscles. Pour en savoir plus, on a rencontré le Dr Daniel Gams Massi.

Arnaud Ntchapda
Arnaud Ntchapda
Rédigé le , mis à jour le
Pour maintenir son autonomie, une personne atteinte de la maladie de Charcot a besoin d'un fauteuil roulant (photo d'illustration)
Pour maintenir son autonomie, une personne atteinte de la maladie de Charcot a besoin d'un fauteuil roulant (photo d'illustration)

Elle est mortelle et on n'arrive toujours pas à la guérir ! La maladie de Charcot, qui est aussi connue sous le nom de sclérose latérale amyotrophique (SAL) est une maladie où les neurones permettant de transmettre l'ordre des mouvements, appelés motoneurones, sont progressivement détruits : les patients souffrent alors d'une paralysie qui évolue progressivement, et qui peut atteindre les muscles respiratoires. Ce qui explique le pronostic dramatique de ce mal :  L’espérance moyenne de vie est d'environ 3 à 5 ans après le diagnostic, d’après Orphanet.  

Et si cette maladie neurodégénérative paralysante - qui a récemment fauché la vie de l'ancien footballeur sénégalais Papa Bouba Diop - touche généralement les personnes âgées de plus de 50 ans en Europe, ce mal concernerait des adultes plus jeunes sur le continent africain. Pour en savoir plus sur sa prévalence au Cameroun, sa prise en charge et son traitement, AlloDocteurs Africa a échangé avec le Docteur Daniel Gams Massi, neurologue-épileptologue à l’hôpital général de Douala. 

AlloDocteurs Africa : La maladie de Charcot existe au Cameroun ?

Dr Daniel Gams Massi : Elle reste encore très peu connue au Cameroun. Les études faites en milieu hospitalier, compte tenu du fait qu’il n’y a pas encore d’études en population générale, indiquent une  prévalence d’environ 4 malades sur 1.000 patients admis dans les services de neurologie. Très peu d’études sont réalisées sur la maladie de Charcot au Cameroun. Mais en général, la maladie est diagnostiquée souvent à un stade avancé et sa prise en charge reste limitée à la gestion des symptômes et à l’accompagnement du patient.

A.D.A : Comment prend-on en charge cette pathologie dans le pays ?

Dr D.G.M : La maladie de Charcot est de cause inconnue. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas de traitement curatif. Les malades vont évoluer progressivement et irréversiblement vers l’état grabataire et le décès. Et donc pour les prendre en charge, on peut utiliser des traitements qui permettent de ralentir la progression de la maladie. Il faut dire que ces médicaments-là coûtent extrêmement cher et ne sont pas à la portée du Camerounais moyen.

Les moyens qu’on utilise sont des méthodes d’accompagnement comme la kinésithérapie, la rééducation motrice pour permettre aux malades de garder une certaine  autonomie, la rééducation orthophonique chez les patients qui ont des troubles de la déglutition, c'est-à-dire qui n’avalent pas bien ou qui ont des difficultés pour parler. On traite aussi les autres symptômes comme la dépression, la douleur, les crampes qui peuvent se manifester  chez le patient.

A.D.A : Que faut-il faire pour améliorer la prise en charge des malades au Cameroun ?

Dr D.G.M : Au Cameroun, on peut toujours mieux faire. Même si c’est une maladie dont l’issue est fatale, on peut mieux faire pour que les patients aient une qualité de vie meilleure. Nous sommes limités par le manque de professionnels. La prise en charge étant pluridisciplinaire, il faut que dans l’équipe il y'ait un neurologue, un psychologue, un kinésithérapeute, un psychomotricien, un orthophoniste. L’accès à ces professionnels de la santé a un coût que le Camerounais moyen ne peut pas supporter pour le moment.

Dans le cadre de la Cameroon Academy  of Neurology, nous essayons de développer un programme de prise en charge des maladies neurologiques rares dont la maladie de Charcot. Nous sommes encore au début du projet, mais nous espérons que d’ici la fin de l’année, nous aurons terminé pour pouvoir le soumettre. Car pour avoir des subventions, des partenariats pour les patients, il faudrait que le projet soit quelque chose de viable et soutenable.

A.D.A : Quelle est l’attitude d’un médecin face à un patient atteint de la maladie de Charcot ?  

Dr D.G.M : En général, il faut déjà faire ce qu’on appelle un counselling au patient, lui expliquer de fond en comble la maladie tout en le préservant de la dépression parce que les malades, lorsqu’ils savent que c’est une maladie dont ils vont mourir, sont vulnérables. Ils peuvent sombrer, ne plus accepter la prise en charge pour partir plus précocement.

Les autres conseils tiennent lieu de la qualité de vie. Par exemple le type d’aliments consommés, vu que ces patients vont avoir des troubles de la déglutition. Ou encore des conseils autour des activités physiques qu’il peut mener pour maintenir une certaine autonomie, comment s’organiser dans la maison pour éviter les obstacles, les chutes. 

A.D.A : Le Cameroun est-il doté d'un centre dédié à la maladie de Charcot ?

Dr D.G.M : Non, il n’y en a pas. Il n’y a ni instituts spécialisés dans la prise en charge de la Maladie de Charcot, ni centres de rééducation spécialisés. Tout comme on ne dispose pas de structures de long séjour pour accompagner les malades. Ce sont des lacunes qu’il faudra peut-être compenser avec l‘aide des autorités.

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