Cameroun : une maison de retraite accueille les personnes âgées

En Afrique, les maisons de retraite sont encore une rareté. À Douala, un établissement accueille et prend soin des personnes âgées seules.

Alicia Mihami
Rédigé le , mis à jour le
Le centre "La référence" accueille les personnes âgées esseulées (Image d'illustration / Crédit photo Teo Tarras)
Le centre "La référence" accueille les personnes âgées esseulées (Image d'illustration / Crédit photo Teo Tarras)

En Afrique, les maisons de retraite sont encore rares. Pourtant, certaines personnes âgées n'ont pas de famille pour les accueillir et passer leur vieillesse. C'est le cas de Marie Ebop Ndjock, 77 ans : "Je n'ai personne. J'ai accouché de quinze enfants. Parmi ces quinze enfants..." Marie ne termine pas sa phrase. Elle s'affaisse sur la table voisine et éclate en sanglots, la tête cachée entre ses bras. "Ça va Marie, ne pleure plus", tente de la réconforter une jeune aide soignante de "La référence", un des rares centres d'accueil pour personnes âgées du Cameroun, situé dans la banlieue nord de Douala.

Marie relève la tête, les yeux baignés de larmes. "Les enfants me disent que je suis une sorcière, que je suis ceci, que je suis cela...", souffle-t-elle, la voix tremblante. "Ça me fait mal". Les crises de Marie sont fréquentes. Le personnel de l'association Amour pour les personnes âgées du Cameroun (APAC), qui gère La référence depuis sa création en 2017, est habitué. "Quinze enfants", répète-t-elle à l'envi. Et aucun pour prendre soin d'elle, à cause d'un contentieux familial sur le partage de ses biens, alors même qu'au Cameroun, la solidarité familiale est un devoir et une obligation morale.

Occidentalisation de l'Afrique ?

"Au Cameroun, avoir une personne âgée dans son foyer est considéré comme une chance. La transmission des savoirs se fait oralement, d'une génération à une autre, l'expérience allant avec l'âge", explique Moïse Tamekem Ngoutsop, sociologue à l'université de Bamenda. "La maison de retraite est une incongruité dans la culture africaine", rappelle-t-il, et leur création serait le fruit, selon lui, d'un "processus d'occidentalisation de l'Afrique".

Pourtant, à l'origine de "La référence", il y a une vocation, car toutes les familles ne sont pas en mesure de prendre soin des personnes âgées. Florence Ndjassep, fondatrice et directrice de l'espace, explique avoir commencé à s'occuper des personnes âgées lorsqu'elle travaillait à l'hôpital, parce que les familles de certains patients le lui demandait. Elle s'est alors rendu compte qu'il y avait un réel besoin : "Certains étaient obligés de passer la journée enfermés, devant attendre toute la journée qu'un membre de la famille s'occupe d'eux pour manger, être lavés ou soignés. C'est de là qu'est venue l'idée de créer un centre pour les personnes âgées abandonnées", explique-t-elle. La prise en charge est gratuite pour les personnes qui n'ont personne pour les soutenir. Pour les autres, elle coûte 75.000 FCFA par mois (115 euros environ). 

Confinement strict 

"La référence" a été un refuge pour ses pensionnaires pendant l'épidémie de Covid-19. Le Cameroun, avec plus de 80.000 cas recensés et au moins 1.310 décès, est un des pays les plus touchés d'Afrique centrale. "Ça n'a pas été facile", admet Mme Ndjassep. "Auparavant, on les emmenait parfois au restaurant, ou bien ils pouvaient assister à des matchs de foot sur le terrain du lycée, à côté de la maison. Dorénavant, la règle a été le confinement strict", poursuit-elle. Mais "aucun cas de Covid n'a été détecté", se félicite aujourd'hui la directrice, qui accepte de nouveau d'ouvrir les portes du centre d'accueil. Un soulagement pour les occupants.

Pour continuer sa mission, Florence Ndjassep estime que le centre a besoin de 600.000 FCFA (915 euros) par mois pour fonctionner. La demande augmente, estime-t-elle, alors que le Cameroun a vu l'espérance de vie passer de 50 ans en 2000 à 60 ans en 2020, selon la Banque mondiale. La directrice du centre assure recevoir au moins cinq candidatures par mois, mais répond rarement favorablement, faute de moyens pour accueillir plus de personnes âgées dans le besoin. 

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