Après le Covid-19, le Tchad a les poches vides

Dès le lendemain de l'annonce du premier cas de coronavirus, le 19 mars, le gouvernement tchadien a ordonné une série de mesures relativement strictes pour le pays. Les habitants souffrent.

Badr Kidiss avec AFP
Badr Kidiss avec AFP
Rédigé le , mis à jour le
A N'Djamena, les habitants souffrent de pauvreté (photo d'illustration)
A N'Djamena, les habitants souffrent de pauvreté (photo d'illustration)

Du Covid aux “poches vides”... Bousculée par les mesures contre le coronavirus et leur impacts sur l’économie et la vie quotidienne le Tchad souffre. Dès le lendemain de l'annonce du premier cas de coronavirus, le 19 mars, le gouvernement a ordonné une série de mesures relativement strictes pour le pays. Fermeture des universités et des écoles, des lieux de culte, de certains commerces..

Si aucun confinement total de la capitale n'a été ordonné, ces mesures ont suffi à déstabiliser l'économie de ce pays resté parmi les plus pauvres de la région, malgré l'exploitation de ses ressources pétrolières depuis le début des années 2000. 

“Chez Ramses” ne fait plus recette

Il suffit de mettre le nez dehors pour voir les difficultés. Dans la grande cour d'un restaurant de N'Djamena, abandonné par ses clients depuis que le Tchad a adopté mi-mars les mesures de confinement, un seul salarié fait désormais le travail de toute une équipe, à la cuisine et au comptoir. "J'ai dû mettre sept de mes employés au chômage technique", déplore le propriétaire, Ndjiya-Gali Ramses: les clients, qui n'ont pas le droit de consommer sur place, n'ont pas pris le réflexe de commander leurs plats à emporter. 

Les fonctionnaires et les employés qui se donnaient rendez-vous dans cet établissement situé sur un des principaux axes routiers de la capitale tchadienne, ou dans les autres restaurants du quartier commerçant de Gassi, ont déserté le Petit Bassam, également appelé Chez Ramses. Le maître des lieux passe ses journées seul avec son cuisinier, à pianoter sur son téléphone. Et Ramses peine désormais à nourrir ses quatre enfants... "J'ai pu supporter les deux premières semaines de la crise", explique-t-il, "mais, actuellement, on ne peut pas manger trois fois par jour comme avant. On survit grâce à la solidarité".

900 cas officiels, 74 décès

A ce jour, les autorités disent n'avoir détecté qu'un peu moins de 900 cas de coronavirus mais déplorent officiellement 74 décès, pour un peu plus de 15 millions d'habitants. Le bilan économique est, lui, très lourd. Pour la plupart des commerçants et des employés, qui constituent la classe moyenne de N'Djamena, impossible de compter sur un quelconque système de solidarité nationale ou sur des économies personnelles. A Gassi, seuls de rares passants portent parfois le masque, pourtant obligatoire. Les mesures de distanciation sont peu respectées.

Les gens ont d'autres soucis. "Nous avons des difficultés à couvrir nos charges, il est difficile de joindre les deux bouts", se plaint Gervais Léonard Mbaidanem, gérant d'un cybercafé de Gassi, déserté par les étudiants, ses principaux clients, depuis que leurs cours ont été suspendus.  

Plan gouvernemental sans grand effet

Un peu plus loin, Saleh Idriss Moussa est propriétaire d'une papeterie, à quelques mètres du palais de justice. A 35 ans, relativement à l'aise avant le Covid-19, il ne peut plus faire face depuis: son chiffre d'affaires quotidien a chuté de 1,5 million de francs CFA (environ 2.300 euros) à 35.000 francs CFA (50 euros). Comme les commerçants avec pignon sur rue, il espère que le gouvernement va bientôt assouplir les mesures de confinement qui ruinent une économie déjà déprimée.

Selon la Banque mondiale, la croissance de 2,9% prévue en 2019 pourrait devenir une récession de 3,1%, et le taux de pauvreté grimper de 40 à 43% de la population.  Petite lueur  d'espoir fin juin : les lieux de culte et les universités peuvent rouvrir. Le gouvernement avait assuré que des aides financières seraient versées à la population. "Le plan de riposte économique" annoncé par le chef de l'Etat Idriss Déby Itno, le 14 avril, "d'un montant de 943 milliards de francs CFA (environ 1,4 milliard d'euros), n'a pas produit les résultats escomptés", déplore l'économiste Kebir Mahamat Abdoulaye. Souhaitons au Tchad que ses poches vides se remplissent de nouveau...

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