Coronavirus : la phobie de l’hôpital est un risque de santé au Cameroun

La peur d’être contaminé ou de voir confisquer le corps d’un proche décédé ou non de Covid-19 au Cameroun, poussent les familles à fuir les hôpitaux, au point d'opter pour la mort à domicile.

Marinette Nguimfack Standley
Rédigé le , mis à jour le
Les couloirs des hôpitaux sont désertés depuis le début de la pandémie de coronavirus au Cameroun (photo d'illustration)
Les couloirs des hôpitaux sont désertés depuis le début de la pandémie de coronavirus au Cameroun (photo d'illustration)

Les Camerounais n’ont pas tous la culture de l’hôpital. Beaucoup se soignent encore à la maison et même dans la rue. La pandémie du Covid-19 n'a pas aidé. Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui optent pour des consultations par téléphone ou se ruent vers les solutions traditionnelles. La peur d'aller à l'hôpital et d’être contaminé s'est largement répandue au Cameroun, depuis le déclenchement de la crise sanitaire, qui continue de secouer le pays.

Cette crainte est liée à la mauvaise perception de la maladie, et surtout à la stigmatisation dont ont souffert les premières victimes du Covid-19. Les personnels de santé, peu informés et pas suffisamment préparés face à cette pandémie, ont été infectés par dizaines, et certains y ont perdu la vie. Autant de raisons qui ont poussé les familles à déserter les hôpitaux publics, surtout ceux chargés de suivre les patients du Covid-19.

L’hôpital vu comme... un danger

Il y a quelques semaines, celui qui présentait juste une difficulté à respirer, était d’office considéré comme un cas suspect de coronavirus dans les formations hospitalières. Et si par malheur, mort s'en suivait, l'hôpital procédait à la confiscation et à l’enterrement systématique du corps, parfois sans avoir eu les résultats de confirmation d'un cas de Covid-19.

Larissa a vécu ce drame : “Mon père a passé plus de 8 mois de maladie dans une clinique, avant d'être transféré il y a  un mois, à l'hôpital général, suite à un accident vasculaire cérébral (AVC). Finalement, il est décédé... A notre étonnement, l’hôpital a confisqué le corps avec pour alibi  : cas suspect de Covid-19. Pourtant, son dossier médical prouvait qu’il avait souffert d’un AVC ”, confie-t-elle, dépitée, à notre correspondante. Des exemples similaires sont courants dans le pays.

Le choix de mourir à domicile

De nombreuses familles gardent désormais, précieusement, leurs malades, à la maison. Surtout ceux qui ont atteint le troisième âge. Guilaine, femme au foyer, raconte son expérience : “Ma belle-mère est morte entre mes mains à la maison. Elle avait un problème au cœur”. Elle ajoute que la famille avait décidé de ne plus l'emmener à l’hôpital par peur, vu toutes les "tracasseries" subies par ds connaissances.

Il y aurait eu de forte chance qu'on la considère comme un cas suspect  de Covid-19, à sa mort, vu qu'elle présentait des difficultés à respirer”, explique-t-elle encore, pour justifier leur décision. Comme elle, de nombreuses familles préfèrent voir mourir leur être cher à la maison plutôt qu’à l’hôpital.  C'est un problème : les soins à domicile peuvent s’avérer dangereux pour les malades, dans un lieu qui n'est ni approprié, ni médicalisé.

Sensibilisation des populations

La désaffection des camerounais pour l’hôpital, aggravée par le Covid-19, est un risque pour la santé de tout le pays. Certains responsables des formations sanitaires s'engagent pour tenter de raisonner leurs compatriotes. “ Il faut que les populations arrêtent d'avoir peur. Qu’elles reviennent à l'hôpital (…). Le Covid-19 n'a pas éliminé les autres pathologies”, tente ainsi de rassurer le Pr Louis R. Njock, directeur de l’hôpital Laquintinie de Douala.

Un appel qui reste d'actualité, alors que certains se contentent de "décoctions" à la maison face à des pathologies graves. Presque toujours déconseillées par le corps médical, elles pourraient avoir des effets dévastateurs dans les prochains mois...

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