"Au Congo, la Covid-19 peut parfois être considérée comme une maladie honteuse"

Alors que la République du Congo a franchi la barre des 5.000 cas de contaminations au coronavirus (Covid-19), une assistante juridique au Ministère de la communication nous parle de son expérience personnelle avec ce virus.

Badr Kidiss
Badr Kidiss
Rédigé le
Yaffa Fatoumata, une survivante de la Covid-19 au Congo
Yaffa Fatoumata, une survivante de la Covid-19 au Congo

Son expérience est édifiante. Si Yaffa Fatoumata a guéri du coronavirus, cette jeune assistante juridique au Ministère de la communication de la République du Congo espérait au début ne avoir contracté cette "maladie qui n'est pas encore vraiment comprise". "Je me sentais aussi coupable d'avoir exposé ma famille", explique la femme de 26 ans. Depuis que les autorités locales ont confirmé le premier cas de Covid-19 au Congo le 14 mars, le pays a enregistré près de 5.100 cas et 3920 guérisons. Et aujourd'hui, Fatoumata parle de son expérience personnelle avec le virus, de la peur et de la honte qui l'entourent, et de son chemin vers la guérison. Entretien réalisé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

OMS : Comment votre famille a-t-elle réagi à la nouvelle que vous aviez été testé positive au coronavirus (Covid-19) ?

Yaffa Fatoumata : Ils ont d'abord été très paniqués. Ils ne voulaient pas non plus que j'aille au centre de traitement, mais ils ont fini par être convaincus qu'il fallait que je m'éloigne d'eux pour leur propre sécurité.

OMS : Quelle a été votre expérience pendant l'isolement ?

Y.F : Je suis resté 28 jours au centre de traitement où j'ai suivi un traitement pendant 15 jours, puis une semaine d'observation, et un test final après lequel j'ai été libérée. C'est une expérience très difficile. Cela vous pèse au fil du temps. Vous ne pouvez pas vous aventurer à l'extérieur. Vous n'avez pas le droit de recevoir des visites. Vous ne pouvez parler à votre famille qu'au téléphone. Heureusement, nous avons reçu des soins psychosociaux. Sinon, cela pourrait rendre fou. Mais je n'étais pas complètement seule. Les autres patients et moi nous asseyions à nos portes et discutions pour essayer d'oublier la solitude et l'enfermement.

OMS : Vous avez dû être très soulagée quand on vous a dit que vous n'aviez plus le virus ?

Y.F : J'ai ressenti une grande joie. Lorsque certains des autres patients et moi-même attendions les résultats de nos tests de contrôle, nous étions si impatients que c'était comme si nous nous apprêtions à obtenir nos diplômes de fin d'études secondaires. Ce fut un moment de grand bonheur et vraiment inoubliable lorsque ma famille est venue me chercher.

OMS : Avez-vous été confrontée à la stigmatisation de la part de votre communauté après avoir été testée positive ?

Y.F : Quand j'ai été testée positive, j'ai essayé de le cacher au départ parce qu'ici au Congo, la COVID-19 peut parfois être considérée comme une maladie honteuse. Mais peu à peu, j'ai réalisé qu'il n'y avait pas de quoi avoir honte. Je n'ai pas été confrontée à la stigmatisation depuis que j'ai été libérée. Au contraire, en parlant de mon expérience, les gens sont intrigués et commencent à prendre cela plus au sérieux, surtout parce que je suis jeune. Au début, on pensait que le virus ne touchait que les personnes âgées. Mais il touche tout le monde.

OMS : Était-ce facile de retrouver une certaine normalité après votre sortie ?

Y.F : Au début, j'étais un peu désorientée, en voyant autant de personnes, autant de véhicules circuler, etc. Mais je reprends peu à peu une vie normale. Quand vous êtes libéré, vous ne pouvez pas simplement faire comme si rien ne s'était passé. C'est un processus graduel.

Pour ne manquer aucune info santé, abonnez-vous à notre newsletter !