Michel Sidibé : Comment l'Agence africaine du médicament veut braver le Covid-19

L’envoyé spécial de l’Union africaine pour l’Agence africaine du médicament, Michel Sidibé, multiplie ses efforts pour lancer cette structure ô combien importante pour la santé des populations du continent.

Badr Kidiss
Badr Kidiss
Rédigé le , mis à jour le
Michel Sidibé est l’envoyé spécial de l’Union africaine pour l’Agence africaine du médicament
Michel Sidibé est l’envoyé spécial de l’Union africaine pour l’Agence africaine du médicament

Il est au four et au moulin ! L’ex-ministre de la Santé et des Affaires sociales du Mali et ancien directeur général de l’Onusida, Michel Sidibé, tente de mettre en place la première Agence africaine du médicament qui ambitionne de devenir l'un des systèmes de réglementation des médicaments les plus efficaces et les plus modernes au monde. Une fois établie, l’Agence aura un rôle très important : autoriser la mise sur le marché rapide et efficace de vaccins, de médicaments et de différents produits de santé sûrs et de qualité pour mieux traiter les maladies en Afrique. Un objectif important, quand on sait que le Covid-19 fragilise les systèmes sanitaires des 55 pays du continent. Pour en savoir plus, on a échangé avec Michel Sidibé, l’envoyé spécial de l’Union africaine pour l’Agence africaine du médicament. Voici la première partie de notre entretien. 

AlloDocteurs Africa : La création de l'Agence africaine du médicament avance. C'est la dernière ligne droite ?

Michel Sidibé : Je viens tout juste d'achever à Genève une tournée de deux mois et demi pour accélérer la ratification du traité sur la création de l'Agence africaine du médicament (AMA). Et c'était extraordinaire.  Je pense qu'il s'agit du processus de ratification le plus rapide des traités de l'Union Africaine (UA)! J'ai rencontré au moins une quinzaine de chefs d'Etat, des ministres de la santé, des ministres des Affaires étrangères et aussi les autorités nationales de réglementation. Aujourd'hui, je suis fier d'annoncer, au moment où je vous parle, que quinze pays ont ratifié le traité. Six d'entre eux sont déjà en train de déposer leurs instruments de ratification auprès de l'UA. Il faut quinze ratifications pour que le traité entre en vigueur, mais nous faisons le plaidoyer pour que tous les pays le ratifient afin de donner plus de poids à l’Afrique dans le débat mondial sur la santé.

A.D.A : Est-ce que la pandémie de Covid a accéléré la ratification du traité ?

M.S : Effectivement. Avec la pandémie de Covid, tous les Etats membres veulent aller vers une réduction de la dépendance en matière d’accès aux médicaments et aux vaccins, tout en améliorant la recherche et le développement. On estime actuellement que 15 millions d'Africains ont reçu les deux doses d'un vaccin anti-Covid. Autrement dit, plus de 1,2 milliards de personnes sur le continent n'ont reçu aucune injection contre le coronavirus. Et, alors que l'Afrique ne produit que 3% des médicaments qu'elle consomme et seulement 1% des vaccins administrés à ses populations, il est important d'avoir un système de régulation pour tout le continent. 

A.D.A : A l'heure de l'épidémie de Covid, quels seront les premiers axes de travail de l'Agence africaine du médicament ?

M.S : Le nouveau coronavirus a bouleversé les engagements sanitaires de tous les pays. Aujourd'hui, nous sommes tous confrontés à une certaine crise sanitaire et sociale qui affecte la vie des populations. Je pense que le déploiement mondial des vaccins anti-Covid n'est ni inclusif ni planifié de manière adéquate. Il est à l'origine d'une fracture entre ceux qui ont eu le vaccin et ceux qui sont laissés pour compte.

Dans ce contexte, l'Agence africaine du médicament (AMA) harmonisera les réglementations relatives à l'enregistrement des médicaments et des vaccins, et aidera les pays à se conformer aux meilleures pratiques et normes internationales. Dans un premier temps, l'AMA s'attèlera à faciliter l'accès aux vaccins anti-covid sur le continent. Et à plus long terme, l'agence renforcera la lutte contre les faux médicaments ainsi que les produits médicaux contrefaits ou de qualité douteuse ou inférieure. 

A.D.A : Justement, on a appris que des centaines d'Ougandais avaient reçu des faux vaccins contre le coronavirus. Que peut apporter l'AMA dans cette lutte contre le fléau des faux médicaments ?

M.S :  Je pense que la lutte contre les faux médicaments et les faux vaccins est indispensable. C’est un véritable crime organisé ! Le mot est fort mais c'est la réalité. D'abord, parce que des personnes en grande précarité sont victimes de ce marché parallèle. Et aussi, parce que c'est criminel de s'enrichir de la sorte.  Il faut noter, selon l’Organisation Mondiale de la Santé, qu’un médicament sur dix vendus dans le monde est un faux. Dans certains pays, ce chiffre peut même atteindre sept médicaments sur dix - notamment en Afrique, causant des dizaines de milliers de morts chaque année.

Aujourd'hui, nous sommes obligés de nous référer à l'Agence européenne du médicament pour nous assurer de la qualité des médicaments et des vaccins en Afrique. Et pourtant, beaucoup de pays disposent déjà d'agences nationales de réglementation. L'ambition de l'AMA c'est justement de les fédérer pour mieux prendre en charge la santé des Africains.  

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