Coronavirus : en Afrique, la course aux vaccins est semée d'obstacles

Moins touchée que les autres continents par le Covid-19, l'Afrique se lance dans une course aux vaccins semée d'obstacles financiers, logistiques et culturels, avec une préférence dans quelques grands pays pour les offres les moins chères comme AstraZeneca.

Badr Kidiss avec AFP
Badr Kidiss avec AFP
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L'Afrique semble avoir dépassé la première vague de coronavirus (photo d'illustration)
L'Afrique semble avoir dépassé la première vague de coronavirus (photo d'illustration)

Le continent a pour objectif de vacciner "3% des Africains d'ici mars 2021 et 20% d'ici la fin de l'année prochaine", a déclaré le 26 novembre la directrice régionale de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), Matshidiso Moeti, basée à Brazzaville. Le coût du déploiement du vaccin auprès des "populations prioritaires" en Afrique est estimée à 5,7 milliards de dollars, avec "des coûts supplémentaires de 15 % à 20 % pour le matériel d'injection et la livraison des vaccins", selon l'OMS.

Terre de toutes les épidémies, souvent sans vaccin comme le paludisme ou le sida, l'Afrique a relativement été épargnée par la Covid-19, avec 52.000 décès officiellement, pour 2,2 millions de cas recensés (sur une population d'environ 1,25 milliard d'habitants). Mais il y a quelques jours, l'OMS a aussi demandé aux gouvernements d'"intensifier leur préparation à la vaccination contre la Covid-19". Pour le financement, hormis Madagascar qui a décidé de faire cavalier seul, les pays africains, à revenus faibles ou intermédiaires, doivent bénéficier du soutien du "Covax", une alliance internationale emmenée par l'OMS qui négocie avec les laboratoires un accès équitable aux vaccins.

Efficacité vs coût 

Pays le plus touché du continent (près de 800.000 cas pour plus de 21.000 décès), l'Afrique du Sud espère obtenir ses premières doses d'ici mi-2021, d'après l'épidémiologiste Salim S. Abdool Karim, conseiller du gouvernement. "Si nous ne pouvons vacciner que 30 à 40% de la population, ou au moins la population adulte, cela nous aiderait à gérer la transmission du virus", ajoute le professeur spécialiste des vaccins Shabir Madhi de l'université de Witwatersand. Trois essais sont actuellement en cours en Afrique du Sud, dont celui d'AstraZeneca/Université d'Oxford.

AstraZeneca annonce des doses à prix coutant (2,50 euros, environ trois dollars), moins cher que ses concurrents Pfizer/BioNtech et Moderna. Mais son vaccin est efficace en moyenne à 70%, contre 90% pour les deux autres fabricants, d'après les résultats des études communiquées par les trois laboratoires. AstraZeneca a annoncé une "étude supplémentaire". D'après le professeur Shabir Madhi, mieux vaut en Afrique du Sud un vaccin efficace à 60 ou 70% accessible à une partie importante de la population, qu'un vaccin efficace à 90%, mais hors de portée pour 50% de la population.

Réticences culturelles 

Le Maroc (près de 360.000 cas, 5.915 décès) a opté pour AstraZeneca et le chinois Sinopharm, en espérant lancer une campagne dès la fin de l'année. Mais outre le défi logistique (la chaîne du froid), l'Afrique devra faire face à des résistances culturelles.

Des méfiances aggravées par des propos unanimement condamnés d'un médecin français au début de l'épidémie en mars, qui invitait à tester les vaccins en Afrique "où il n'y a pas de masques, pas de traitement, pas de réanimation". Madagascar fait d'ailleurs partie du club des pays réticents. "Nous ne nous positionnons pas encore par rapport au vaccin. En d'autres termes, nous ne nous inscrivons pas sur la liste des pays futurs bénéficiaires", a déclaré fin novembre la porte-parole du gouvernement, Lalatiana Rakotondrazafy Andriatongarivo. En Afrique du Sud, le "taux d'hésitation" face au vaccin est estimé à un tiers de la population, d'après l'épidémiologiste Salim S. Abdool Karim. "Si les communautés ne sont pas associées et convaincues que le vaccin protègera leur santé, nous ferons peu de progrès", a plaidé la directrice régionale de l'OMS.

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