Ramadan et diabète : un expert vous explique tout !

Si vous êtes diabétique, il est essentiel de prendre certaines précautions pour le Ramadan. Le Professeur Saïd Norou Diop vous explique tout en détail.

Badr Kidiss
Badr Kidiss
Rédigé le , mis à jour le
Le jeûne du Ramadan est l'un des cinq piliers de l'islam (photo d'illustration)
Le jeûne du Ramadan est l'un des cinq piliers de l'islam (photo d'illustration)

Le jeûne du ramadan constitue l'un des cinq piliers de l'Islam mais cette pratique n'est pas sans risque pour les personnes vivant avec le diabète. Car le ramadan est une période pendant laquelle votre diabète peut se déséquilibrer. D'où l'importance de consulter un médecin avant le début du jeûne pour :

  • faire le point sur votre diabète
  • connaître les précautions à prendre pour éviter l’hyperglycémie et l'hypoglycémie
  • adapter vos prises médicamenteuses

Pour en savoir plus, AlloDocteurs.Africa a interrogé le Professeur Saïd Norou Diop, diabétologue et ancien directeur du centre anti-diabète Marc Sankalé au Sénégal.

AlloDocteurs Africa : Que se passe-t-il dans l'organisme lorsqu'on jeûne ? 

Pr. Saïd Norou Diop : Le jeûne change notre mode de vie, on prend habituellement trois repas par jour et, pendant le Ramadan, on passe à deux repas à des heures inhabituelles. L'organisme est donc obligé de s'adapter ! Cette adaptation est progressive pendant le mois du jeûne. Chez une personne normale, l'insuline est sécrétée normalement par le pancréas, l'adaptation se fait toute seule rapidement... Mais, chez les diabétiques, il y a une modification des hormones qui a tendance à augmenter le taux de sucre dans le sang.

L'autre problème auquel on fait face, c'est qu'il y a un problème d'hydratation. Comme les gens ne boivent pas toute la journée, chez les personnes qui ne boivent pas assez,  il y a un gros risque qui s'installe dès la première semaine de jeûne.

A.D.A : Pourquoi les diabétiques doivent-ils consulter un médecin avant de jeûner ?

Pr. S.N.D : Le diabète est un problème de "métabolisme", c'est-à-dire des réactions qui se produisent dans les cellules de notre organisme.... Ces modifications sont en partie liées à l'alimentation. Pendant le Ramadan, un jeûneur qui a un déficit d'insuline va augmenter la sécrétion des hormones qui ont tendance à élever son taux de sucre. Son organisme ne peut pas suivre correctement le rythme du jeûne et cela pose problème !

Selon les recommandations actuelles, tout diabétique doit consulter son médecin, au moins six semaines voire trois mois, avant le début du Ramadan pour savoir s'il a la capacité de jeûner.  Cela dépend de l'équilibre de son diabète et  de l'existence de pathologies ou de complications . Et même si un diabétique peut jeûner, avec l'accord de son médecin, il faut absolument surveiller son diabète pour éviter des situations difficiles !

A.D.A : Quel médecin faut-il consulter pour avoir un avis médical adapté au diabète ?  Un diabétologue ou un généraliste  ? 

Pr. S.N.D : Tout médecin bien formé peut être consulté. Car les récentes recommandations de la Fédération Internationale du Diabète et l'Alliance Internationale du Diabète et du Ramadan (DAR) sont adaptées et transmises à l'ensemble des médecins. Ces derniers doivent simplement lire les recommandations pour savoir quoi dire à leurs patients !

A.D.A : Quels sont les risques pour un diabétique qui jeûne sans en parler à son médecin ? 

Pr. S.N.D : Le premier risque est lié aux perturbations du taux de sucre dans le sang :

  • On peut assister à une hyperglycémie : une  augmentation du taux de sucre dans la journée de jeûne, car le diabète n'était pas maîtrisé avant Ramadan. La glycémie peut, dans ce cas, facilement atteindre les 3 ou 4 grammes et provoquer des problèmes graves. Le taux de sucre dans le sang peut aussi rapidement augmenter après le souper du soir (qu'on appelle aussi ftour ou iftar) à cause d'une alimentation qui n'est pas équilibrée.
  • L'autre phénomène possible, c'est qu'un diabétique fasse une hypoglycémie, c'est-à-dire une baisse trop importante du taux de sucre dans le sang. Le malade qui prend son médicament contre le diabète dans la matinée avant de jeûner toute la journée a de fortes chances de faire une hypoglycémie si son traitement n'est pas adapté. Et cette situation peut entraîner un coma diabétique, un trouble de la conscience qui nécessite une hospitalisation immédiate !

A.D.A : Ces risques sont-ils les mêmes pour le diabète de type 1 et le diabète de type 2  ? 

Pr. S.N.D : Non, il y a une grosse différence ;

  • Dans le cas d'un diabète de type 1, un patient doit prendre de l'insuline de 2 à 5 fois par jour. Le fait de prendre de l'insuline augmente le risque de faire une hypoglycémie.  Dans nos dernières études, on a vu que 60% des diabétiques de type 1 ont fait une hypoglycémie pendant le Ramadan. Justement parce que leur insuline n'a pas été adaptée !
  • Dans le cas d'un diabète de type 2, le gros problème c'est qu'il y a des traitements contre cette forme du diabète qui entrainent, de la même manière que l'insuline, un risque d'hypoglycémie pendant la journée. Et si les médicaments ne sont pas adaptés avant le Ramadan, la personne peut faire de grosses hypoglycémies. 

A.D.A : Que faut-il faire pour éviter ces problèmes ? 

Pr. S.N.D : Tous les diabétiques qui peuvent jeûner doivent mesurer leur taux de sucre, au moins 3 fois par jour :

  • en début de matinée
  • en milieu de matinée
  • et en fin de matinée (environ 1 heure avant la rupture du jeûne).

En cas de malaise, il faut aussi vérifier son taux de sucre pour savoir si on est dans les normes. Si jamais ce taux est inférieur à 0,70g/l, il leur est conseillé d'arrêter de  jeûner. Il ne faut pas oublier que la surveillance de la glycémie, le taux de sucre dans le sang, est encore plus importante pendant le mois de Ramadan. 

A.D.A : Comment une personne atteinte de diabète de type 2, sous médicaments oraux, peut-elle gérer son traitement ?

Pr. S.N.D : Tout dépend du type de médicaments qu'il prend ! Les patients qui sont sous le médicament de base qu'on appelle "Meltformine" n'ont pas de problème. Ils gardent généralement la même dose de médicaments qu'ils prenaient matin et soir. En principe, ça ne modifie pas la glycémie dans un mauvais sens...

Par contre, ceux qui prennent des insulino-stimulants - des médicaments qui stimulent la sécrétion du pancréas - doivent absolument voir leur médecin pour adapter la dose de leur traitement. 

A.DA : Quels sont les conseils que vous donnez aux personnes diabétiques qui s'apprêtent à faire le ramadan ?

  • Premièrement, ceux qui n'ont pas encore consulté un médecin doivent le faire au plus vite pour savoir s'ils peuvent jeûner.
  • Deuxièmement, les malades doivent équilibrer le diabète AVANT le Ramadan, c'est-à-dire qu'ils doivent "partir" avec une glycémie à jeun qui ne doit pas dépasser les 1,2g et ne pas être inférieure à 0,8g.
  • Troisièmement, les diabétiques qui sont autorisés à jeûner doivent contrôler régulièrement leur taux de sucre dans le sang (au moins 2 ou 3 fois dans la journée et une fois avant de dormir).

Au niveau de l'alimentation :

  • Pour les diabétiques, il faut savoir que même en dehors du mois de Ramadan, l'hygiène alimentaire est essentielle ! Par exemple, un diabétique qui prend des dattes pour rompre son jeûne doit en prendre au maximum 2 ou 3... Et non pas 7 ou 8 dattes ! 
  • Il faut aussi boire beaucoup d'eau, au moins 1 litre d'eau avant le lever du soleil et 1 autre litre dès la rupture du jeûne
  • Enfin, il ne faut pas oublier ou supprimer l'activité physique.... Il est recommandé de faire une activité, deux heures après la rupture du jeûne.... Il est d'ailleurs possible de profiter de la prière des Tarawih (la prière de nuit en groupe durant le mois de Ramadan) pour réaliser une activité physique.

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