"Au Bénin, des jeunes LGBT sont chassés de leur propre maison"

Psychologue Clinicien, Brice Aheko explique pour AlloDocteurs.Africa la situation des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, et transgenres au Bénin.

Léonard Kabo
Rédigé le , mis à jour le
"Au Bénin, des jeunes LGBT sont chassés de leur propre maison"

Il y a la théorie... et la pratique ! En théorie, les personnes homosexuelles et plus largement ceux qu'on appelles les "LGBT"  - les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, et transgenres - sont protégées pas la constitution béninoise. Son article 36 est clair et témoigne de l'ouverture du pays sur ce sujet : ‘’Chaque Béninois a le devoir de respecter et de considérer son semblable sans discrimination aucune et d’entretenir avec les autres des relations qui permettent de sauvegarder, renforcer et de promouvoir le respect, le dialogue et la tolérance réciproque en vue de la paix et de la cohésion nationale.’’  

En pratique, ces personnes sont victimes de discriminations et menaces. Y compris dans leur propre famille. Brice  Aheko, Psychologue Clinicien et consultant à l’Association Béninoise pour le Marketing Social et la communication pour la santé, travaille sur ce sujet depuis 2012. Il décode pour AlloDocteurs.africa la situation des personnes LGBT au Bénin.

AlloDocteurs.Africa : Quand on parle des LGBT, de qui s’agit-il concrètement ?

Brice Aheko, Psychologue Clinicien : Quand on parle des LGBT, c'est simple : il s’agit  des Lesbiennes, Gays, Bisexuelles, et Transgenres. Une  lesbienne, c’est une femme qui a une attirance émotionnelle et/ou sexuelle envers une autre femme. Un homme est gay lorsque ce dernier a une attirance émotionnelle et/ou sexuelle envers un autre homme. Il y aussi des gens qui ont à la fois une attirance envers quelqu’un de leur sexe et qui ont  cette même attirance envers quelqu’un du sexe opposé, ceux-là sont dit bisexuels.

AlloDocteurs.Africa : Et les personnes "transgenres" et "transsexuelles"?

B. A. : Pour être clair,  je prends le cas d'une personne qui naît avec l’appareil génital d’un homme. On voit qu’il a un sexe masculin, un pénis, mais psychologiquement, il ne se voit pas comme étant un homme. Dans sa manière de faire, sa manière de marcher ou de parler, dans tout ce qu’il fait, ce dernier se voit, se sent comme étant une femme. Lorsqu'il a recours à un intervention chirurgicale pour aligner son corps et son esprit, on parle de personnes "transsexuelles". Ces interventions sont possibles dans certains pays qui font des interventions chirurgicale avec changement de sexe et/ou des injections d’hormones.

AlloDocteurs.Africa : Dans un pays comme le Bénin où le mariage homosexuel n’est jusque-là pas légalisé, pensez-vous que les LGBT jouissent des mêmes droits que les autres ?

B. A. : En théorie, oui. Mais, malheureusement, en réalité, ils n'ont pas au Bénin les mêmes droits que ceux qui ont des relations hétéro ! Ils subissent des préjugés et mêmes plusieurs formes de violence au quotidien. Déjà, dans le cercle familial, ils sont très souvent rejetés parce qu’il y a des parents qui n’acceptent pas que leur enfant soit homosexuel. Des jeunes sont chassés de leur maison quand leurs parents le découvrent !

AlloDocteurs.Africa : Des Béninois leur tendent la main...

B. A. : Oui, il y a, par exemple, une association basée à Cotonou dénommée Hirondelle qui a construit des dortoirs pouvant accueillir certains jeunes. Le temps pour nous d’aller discuter avec les parents et régler les différends...

AlloDocteurs.Africa : D'autres Béninois les agressent...

B. A. : Certains sont même poignardés ! Ce sont surtout les personnes transgenres qui subissent ces attaques. Qu’un homme s’habille comme une femme, marche comme une femme et se comporte comme une femme est insupportable pour certains... Pour ceux qui ont déjà grandi, ils sont obligés de rester discrets, même dans leur lieu de travail pour éviter de se faire renvoyer ou même tuer. D’autres sont obligés d’avoir une double relation. Un homme, va ainsi épouser une femme pour montrer qu’il est "comme tout le monde" mais à coté il vit sa "vraie" relation en cachette.

AlloDocteurs.Africa : Certains vous accusent de faire la promotion de l'homosexualité...

B. A. : Pas du tout! Tout ce que nous faisons, ce n’est pas pour faire la promotion de l’homosexualité mais c'est un enjeu de santé publique, par exemple, pour faire diminuer les contaminations aux VIH et infections sexuellement transmissibles (voir notre article sur la connaissance des IST à Bohicon)... 

AlloDocteurs.Africa : Qui touchent en particulier les LGBT?

B. A. : Oui, les enquêtes montrent que leur taux de prévalence au VIH est très élevé et que les discriminations aggravent ce taux. Les dernières enquêtes, l’Enquête de Surveillance Deuxième Génération (ESDG) montre qu’ils sont à 7% séropositifs alors que la population générale est à 1,2%.

AlloDocteurs.Africa : Comment travaillez-vous?

B. A. : Pour l’amélioration des conditions de vie des LGBT, nous avons donc formé des médecins sur des services de santé adaptés et des psychologues pour les accompagner. Ensuite, nous travaillons pour la sensibilisation de la population pour qu’ils puissent comprendre et mieux accepter les LGBT. Et, idéalement, mieux les accompagner!

AlloDocteurs.Africa : Tout le monde est concerné?

B. A. : Oui, pour rendre l’environnement favorable à l’offre des services de santé, nous formons, sur cette thématique, des têtes couronnées, des leaders religieux, des journalistes, des officiers de police judiciaire, des parents d’enfants homosexuels... Si les personnes LGBT sont mieux compris dans la société, ils seront aussi mieux traités !  

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