Coronavirus : "Tout le monde veut la chloroquine mais personne ne sait comment l'utiliser"

Alors que la pandémie de coronavirus s'accélère, le professeur Yap Boum II nous en dit plus sur l'importance de la recherche médicale en Afrique.

Badr Kidiss
Badr Kidiss
Rédigé le , mis à jour le
Une scientifique en train de réaliser des analyses sur des tests de dépistage du Coronavirus
Une scientifique en train de réaliser des analyses sur des tests de dépistage du Coronavirus

Elle se propage. La pandémie de Covid-19 touche au moins 46 des 54 pays du continent africain. Depuis le 2 mars, elle a infecté plus de 4800 personnes en Afrique, dont une centaine de morts et près de 300 guérisons. Aujourd'hui, plusieurs pays essaient de contenir la pandémie et soigner leurs malades. Pour en savoir plus, AlloDocteurs.Africa a interrogé Yap Boum II, professeur en microbiologie et représentant régional d’Epicentre, la branche "recherche et épidémiologie" de Médecins sans frontières (MSF). 

AlloDocteurs.Africa : Est-ce que cette crise peut pousser les États à investir un peu plus dans la recherche médicale ? 

Yap Boum II : Je suis complètement biaisé car cela fait un moment que j'écris à ce sujet, en insistant sur le fait que les pays africains doivent respecter la convention d'Abuja en soutenant la recherche davantage. Je pense qu'à la sortie de cette épidémie, on va se rendre compte que la santé est importante, ce qu'on avait complètement oublié. Deuxièmement, on se rend compte qu'on a besoin de la recherche pour avoir les bons outils. Tout le monde veut la chloroquine mais personne ne sait comment l'utiliser, et c'est la recherche qui peut aider. Donc je pense et j'espère qu'à la fin de l'épidémie, on se rendra compte de l'importance de la recherche pour avoir des solutions adaptées à notre environnement. Aujourd'hui, le coronavirus en Europe n'a rien à voir avec le coronavirus en Afrique. Ce n'est pas la même prise en charge, ce n'est pas le même challenge. Il faut une solution locale ! 

ADA : En parlant de solution locale, le continent assiste depuis l'apparition du coronavirus à une épidémie de fake news. Que peut faire le continent pour lutter contre ça ? 

YBII : Personnellement, je pense que les gens qui créent des fake news sont des criminels. Ils devraient être traités comme tel. Je pense que les forces de police et de gendarmerie devraient traquer ces personnes pour les mettre hors d'état de nuire. On n'a pas les ressources ni les moyens de lutter contre le virus et en même temps, lutter contre ces fake news qui mettent en avant des informations incroyables. On parle de complot, on parle de tout et de n'importe quoi. Ce qui finalement distrait la population qui oublie de se protéger de l'épidémie. Et ça, c'est criminel ! 

ADA : Pensez-vous qu’un site mobile comme AlloDocteurs.Africa peut aider la jeune génération a se sensibiliser ? 

YBII : Bien sûr. Vous devez savoir que le taux de pénétration des smartphones en Afrique connaît une croissance importante. Maintenant avec le confinement, qu'est-ce qu'on va faire ? On va tous se mettre derrière nos téléphones. C'est donc véritablement le moment pour des sites comme le vôtre d'envoyer de la bonne information pour pouvoir aider vos lecteurs de manière interactive.  Je pense que dans la manière de communiquer, on adopte une communication très pédagogique. Mais il faudrait être plus ferme. Ce qui veut dire de montrer aux personnes le risque qu'ils encourent et qu'ils font subir à leurs proches, afin de les responsabiliser. Il ne faut pas seulement dire qu'il faut se laver les mains, il faut préciser que si vous ne le faîtes pas, vous serez responsable de la transmission de cette maladie. Et comme aujourd'hui, les personnes âgées sont les plus à risque face au coronavirus, ce sont donc vos parents qui risquent de mourir. Il faut que les jeunes le comprennent. 

ADA : Mieux vaut être vegan ? 

YBII : Moi en tant en bon carnivore, mangeur de pangolins, j'aurais du mal à être vegan (rires). Mais par contre, on devrait tous prendre des précautions avec les animaux sauvages. Par rapport au pangolin qui a été suspecté de transmettre le coronavirus à l'homme sans qu'on arrive à le prouver en fin de compte, on le fait bouillir entièrement avant de le manger au Cameroun pour enlever notamment les écailles. Alors qu'en Chine, on va le manger quasiment cru ! Donc quelque part, ça ne veut pas dire qu'on doit tous devenir vegan mais qu'on doit être conscient du risque que nous prenons en se rapprochant toujours plus de la nature. 

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