Cameroun : pour mieux vivre, elles font de la rue un institut de beauté

A Douala, coiffeuses et esthéticiennes coiffent et font des soins dans la rue. Non sans danger pour leur propre santé.

Marinette Nguimfack Standley
Rédigé le , mis à jour le
Des coiffeuses et esthéticiennes œuvrant sur le trottoir du Marché Mboppi de Douala
Des coiffeuses et esthéticiennes œuvrant sur le trottoir du Marché Mboppi de Douala

Ici au Marché Mboppi de Douala, comme dans la plupart des grands marchés de la capitale économique du Cameroun, plus d'une dizaine de coiffeuses et esthéticiennes, travaillent en bordure de la route. Seuls, les parasols leur servent d'abris. Tabourets, ciseaux, peigne et brosse à cheveux, fils et aiguilles sont les principaux outils qu’elles utilisent au quotidien.

Malgré cette installation précaire, leur savoir-faire est reconnu par leur clientes. Marguerite, une cliente rencontré dans un coin dudit marché, exprime sa satisfaction : “ J’aime venir me coiffer ici parce que ces filles savent tresser. En plus, elle innovent. Elles ont toujours des tendances et nouveautés à nous proposer”, glisse-t-elle à notre correspondante. 

Gagner gros sans la pression des factures

Les clientes ne sont pas les seuls heureuses. Clémentine, coiffeuse ici depuis plus d'une douzaine d'années, gagne mieux aujourd’hui qu’hier: “J'avais mon propre salon de coiffure avant. Mais ce n’était pas facile à gérer. Il fallait payer les factures et il y avait des périodes mortes. Je n'arrivais pas à joindre les deux bouts ! J'ai donc fermé pour venir m'installer ici. Et je peux dire que ça marche parce qu'il y'a des jours où on travaille 15.000, voire 25.000 francs CFA. Ça dépend”, conclut-elle le sourire aux lèvres.

Laure, en train de faire des tresses juste à sa droite, va plus loin. “Même si on me propose 100.000 ou 150.000 francs CFA de salaire aujourd’hui, je ne peux plus accepter de travailler dans un salon de coiffure. Ici, c'est mille fois rentable ! Et en plus tu es ton propre patron. Le jour où il n'y a pas la clientèle, tu peux rentrer chez toi ! Alors qu'en tant qu'employé, tu es obligé d'attendre la fin de l’heure du service...”, nous précise-t-elle. Pour plusieurs d'entre elles, rejoindre ou gérer les factures d'un institut de beauté n'est ni un rêve, ni un projet.

Un lieu de travail ouvert à divers dangers

Le tableau n'est pas complètement rose. Leur conditions de travail sont un risque réel pour leur santé. Clémentine, la doyenne dans ce secteur d'activité, relate leur difficultés quotidiennes. “Nous vivons ici comme si nous étions en aventure. Les gens nous chosifient. Parfois, la mairie nous chasse. Mais on  revient toujours. En saison sèche, la chaleur nous menace. La poussière et Les odeurs des égouts sur lequel nous nous tenons pour travailler nous étouffent", commence-t-elle son inventaire avec une impressionnante précision. 

"Pendant la saison des pluies c'est grave. On ne travaille pratiquement pas ! Le vent emporte parfois nos parasols, la pluie nous mouille, et nous sommes inondées. On suspend parfois nos pieds sur des bancs avant de coiffer, pour éviter que l'eau des drains ne les  touche. C'est dur, mais on s’accroche en attendant un possible recasement. Sinon qu’allons nous faire pour nourrir nos familles et assumer nos responsabilités ? On n'a pas le choix ”, termine-t-elle d'un air las, mais sans céder au découragement. 

L'argent, source de motivation

Bien que ces coiffeuses et esthéticiennes travaillent à ciel ouvert, leur service n'est pas rendu à vil prix. La créativité étant leur signature, la double pose ongle vernis gel est fixée à 5000 francs CFA, au lieu de 2500 francs ailleurs. Les tresses et les greffes (extension) varient entre 3000 et 7000 francs CFA, alors que les mêmes coiffures valent moins, soit de 1000 à 5000 francs CFA dans les salons de beauté du quartier.

Ceci en raison du manque d'affluence, contrairement à ce lieu public qui ne désemplit pas. Si la rue semble moins coûteuse - et plus rentable - la santé est le trésor de la vie. Souhaitons à ces travailleuses de la beauté de meilleures conditions de travail pour qu'elle puissent continuer à faire des merveilles le sourire aux lèvres.

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