"Le Covid-19 est à Kinshasa, et il tue"

Relativement épargnée par la pandémie de Covid-19, la grouillante et chaotique Kinshasa s'inquiète depuis l'arrivée du variant indien sur le sol congolais.

Badr Kidiss avec AFP
Badr Kidiss avec AFP
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Kinshasa vit toujours à l'heure du Covid-19 (photo d'illustration)
Kinshasa vit toujours à l'heure du Covid-19 (photo d'illustration)

Cela tient du miracle ! Kinshasa, la tentaculaire capitale de la République démocratique du Congo (RDC), est à ce jour plus ou moins épargnée par la pandémie de Covid-19. Mais l'arrivée du variant indien inquiète, d'autant que le vaccin anti-Covid ne séduit pas les Kinois.

Pourtant, la RDC fait souvent face aux épidémies, en particulier dans l'Est du pays : Ebola, rougeole et autre choléra... Mais cette fois c'est de l'Ouest (Kinshasa) dont il s'agit.

"Kinshasa Makambo!"

Surnommé "la ville léopard", Kinshasa est une ville où la lutte est permanente pour la survie. "Kinshasa Makambo!" ("Kinshasa les problèmes"), disent de leur capitale les Kinois.

Quand en mars 2020, l'insaisissable coronavirus fait son apparition, venu d'Europe, dans la deuxième mégalopole d'Afrique subsaharienne, le pire est à craindre. Les cas se concentrent dans la commune de Gombe, centre du pouvoir et des affaires, des riches Congolais et des "expats". Le Covid est alors clairement perçu comme un mal lointain, une maladie de "Blancs" et de "riches", circonscrite à la "République de Gombe".

"Le Covid aurait dû nous massacrer. Mais jusque là, nous avons été épargnés", s'étonne Aimée Rugambo, infirmière d'un centre de traitement Covid "CTCO" mis en place par le gouvernement à l'hôpital de Vijana à Kinshasa. Dans ce centre, la prise en charge est bien rodée. Une tente aux normes épidémiques accueille les cas suspects, face à un bâtiment en dur, où sont soignés gratuitement (à la chloroquine) les malades confirmés, par des personnels formés et bien équipés.

Gingembre et "saunas"

"Dieu au contrôle! Il nous a protégés". Mais "il faut dire aux gens que le Covid existe. Il est à Kinshasa, et il tue", estime Rugambo. A ce stade, les chiffres officiels font état de 30.862, en très grande majorité à Kinshasa (21.284), pour 779 décès. Un chiffre négligeable dans un pays gigantesque, frappé depuis trois décennies par un tourbillon de guerres, de misère et d'épidémies. "On ne saura jamais le nombre de contaminés ou décédés du "corona", la plupart ne sont pas testés, trop compliqué ou trop coûteux", fait remarquer un journaliste congolais.

Ici, aux prises au quotidien avec tellement d'autres fléaux, "on ne va à l'hôpital que si l'on est sérieusement malade". En cas de fièvre suspecte, le Kinois se soigne d'abord avec les "remèdes maisons" et les "saunas" (inhalations). "Souvent sans symptôme, avec peu de décès recensés, les gens ont toujours du mal à y croire", résume le Dr Jules Mongomba, "superviseur Covid" de la commune de Linguala.

La vaccination ne décolle pas 

A l'échelle nationale, de nombreuses interrogations demeurent: porosité des frontières, sérieux des tests, maigres stocks d'oxygène, efficacité d'un vague couvre-feu uniquement en centre-ville... Quant aux gestes barrières, ils se résument à un "cache-nez" (masque) porté dans quelques magasins et les administrations du centre-ville.

Gratuite et ouverte à tous, la vaccination ne décolle pas. Ils étaient seulement 11.000 vaccinés cette fin de semaine à Kinshasa (14.434 dans le pays). "Les gens sont sceptiques", déplore le Dr Wamba Nice, directeur de l'hôpital de Vijana. "Beaucoup ont peur, à cause notamment des rumeurs sur les réseaux sociaux".

"Le variant indien est déjà au Congo"

Le 10 mai, le gouvernement a informé de la détection, à Kinshasa même, de cinq cas du variant indien, dans un immeuble cossu de la Gombe, où vivent plusieurs familles indiennes.

"Le variant indien est déjà au Congo", a prévenu le président Félix Tshisekedi. "Nous, en Afrique, avons reçu la bénédiction de Dieu. Nous n'avons pas eu autant de morts qu'en Europe ou en Amérique. Mais attention, la situation est en train de changer". Pour les soignants, l'accalmie observée depuis février est terminée. "Les cas augmentent", s'inquiète le Dr Nice selon qui, pas de doute, "la troisième vague a déjà commencé".

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