Mauritanie : l'obésité, un critère de beauté que les femmes payent cher

Dans plusieurs régions de Mauritanie, les femmes adoptent encore des pratiques malsaines d’alimentation pour plaire aux hommes. La forte corpulence étant synonyme de beauté au sein de leur communauté depuis des générations.

Kadiatou Sakho
Rédigé le , mis à jour le
Le gavage des femmes est une pratique répandue en Mauritanie, au Niger et au Mali (photo d'illustration)
Le gavage des femmes est une pratique répandue en Mauritanie, au Niger et au Mali (photo d'illustration)

Grossir à tout prix pour plaire… En Mauritanie, les mariages précoces sont souvent accompagnés d’une pratique très ancienne, le gavage des jeunes filles. Ce rite est généralement pratiqué au sein de la communauté des Maures, dans les zones rurales du pays. Elle consiste à ingurgiter tous les jours de grandes quantités d’aliments riches en calories pour grossir rapidement et ainsi attirer le regard des hommes. Le lait de chamelle est le produit phare de ce régime spécial. 

Beaucoup de Mauritaniens considèrent qu’une femme en surpoids est signe de richesse et de bonne santé. Une croyance contre laquelle les associations locales et internationales luttent en permanence.“C’est difficile d’effacer une pratique traditionnelle qui est là depuis si longtemps... Pour lutter contre le gavage des femmes, nous faisons du porte-à-porte auprès des familles. Mais nous travaillons aussi avec les imams qui sont très écoutés au sein des communautés”, explique à AlloDocteurs.Africa Aminetou Leweissi, présidente de l’ONG El Hanane qui défend les droits des femmes et des enfants en Mauritanie. 

Une pratique néfaste pour la santé

Certaines femmes ne se contentent pas d’absorber de la nourriture en excès. Elles prennent aussi des médicaments à base de corticoïdes, des stimulateurs de l’appétit ou des hormones de croissance. Ces différentes pratiques comportent des risques considérables pour la santé de ces femmes : des problèmes cardiaques, de l’hypertension, du diabète et même des cas de stérilité. 

Les conséquences du gavage ont poussé le gouvernement mauritanien au début des années 2000 à interdire cette pratique et à multiplier les campagnes de sensibilisation. Mais cette interdiction n’a jamais vraiment eu de conséquences pour ceux qui font persister ce gavage…  En 2010, une loi a aussi été adoptée visant à durcir les peines de prison des personnes commercialisant des médicaments illégalement. “Ces lois n’ont pas eu d’impacts réels au niveau local, d'après Aminetou Laweissi. Pour combattre cette pratique, il faut encore plus sensibiliser en mettant en avant les risques sanitaires du gavage”

Une pratique davantage dénoncée

Même sans sanctions, les mentalités évoluent toutefois. Selon le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), cette pratique est en net recul ces dernières années. Le gavage forcé serait le plus souvent limité aux zones rurales, reculées, du pays. De nombreuses jeunes femmes continuent d’y perpétuer cet héritage, apparemment de leur plein gré.  Elle souhaitent ainsi tendre vers les critères de beauté de leur ethnie résumés par ce proverbe maure, “la femme occupe dans le coeur de l’homme la place qu’elle occupe dans son lit”.

Dans le pays, de plus en plus de femmes dénoncent la persistance du gavage. Pour elles, cette pratique entretient le statut inférieur des filles en Mauritanie. Elle est liée aux mariages précoces : plus d’un tiers des filles sont mariées avant 18 ans et près d’un quart avant 15 ans d'après l’UNICEF. Si c’est en Mauritanie qu’elle est le plus répandue, la pratique du gavage perdure aussi au Mali et au Niger.

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