A l'ère du Covid-19, le vélo change de vitesse à Tunis

Grand gagnant du couvre-feu précoce imposé aux voitures pendant le mois de Ramadan, le vélo explose les compteurs dans la capitale tunisienne.

Badr Kidiss avec AFP
Badr Kidiss avec AFP
Rédigé le , mis à jour le
En Tunisie, le vélo est le grand gagnant du couvre-feu précoce imposé aux voitures (photo d'illustration)
En Tunisie, le vélo est le grand gagnant du couvre-feu précoce imposé aux voitures (photo d'illustration)

Après les embouteillages dans le Grand Tunis, voici peut-être venu le temps des bouchons pour les vélos. Chaque soir après la rupture du jeûne, une cohorte de cyclistes se déploie dans les rues de la capitale. Pendant ce Ramadan, les amateurs de la petite reine profitent du couvre-feu précoce imposé aux voitures, qui leur laisse la voie libre.

Aux portes de la médina, devant l'imposante arche en pierre de Bab Bhar (porte de la Mer), qui marque la limite entre la Vieille ville et les grandes artères contemporaines, plusieurs dizaines de cyclistes se rassemblent à l'appel de l'association Vélorution pour une balade nocturne dans les rues quasi désertes de la capitale. Au programme: l'emblématique avenue Habib Bourguiba et ses rangées d'arbres ponctuées de réverbères, le tour de la place de l'Horloge, le quartier central de Lafayette ou encore le rond-point arboré de la place Pasteur. Le circuit s'achève après un passage par Bab Saadoun et Bab El Khadra, d'autres portes entourant le vieux Tunis.

Une mesure atypique

Face à la pandémie de Covid-19 qui ne faiblit pas dans le pays, les autorités tunisiennes ont pris une mesure atypique depuis le 17 avril. La circulation de tous types de véhicules motorisés est interdite entre 19H00 et 05H00 du matin. En revanche, les personnes non motorisées peuvent circuler jusqu'à 22H00, heure du couvre-feu.

Une aubaine pour les cyclistes qui en profitent même pour faire la promotion du vélo comme moyen de transport écologique, économique et sanitaire. "C'est un sentiment extraordinaire! Avec la route vide, tu te sens en sécurité. Il n'y a pas de voiture qui te colle et tu roules rassuré", explique Oussama Mraïdi, 25 ans, en tenue de sport, casque vissé sur la tête. Il rejoint le groupe deux fois par semaine pour ces sorties ramadanesques depuis son quartier situé dans la banlieue nord de Tunis.

"La route est à nous"

Vélorution organise toute l'année une sortie hebdomadaire de cyclistes pensée comme une "parade revendicative" pro-bicyclette. Mais en ce mois de ramadan sans voitures, les cortèges d'après iftar (rupture du jeûne) sont presque quotidiens. Ces virées ont "un goût différent", estime Amina Hamdani, 30 ans. "C'est autre chose. La route est à nous. On profite!". Pour Mehdi Zaiem, 35 ans, membre actif de l'association, "le vélo autrefois marginalisé" fait de plus en plus d'adeptes dans le pays depuis la pandémie.

Pour preuve, les projets de Vélorution gagnent en visibilité et en demande. Les balades nocturnes du ramadan ont séduit au-delà de Tunis, dans la ville de Jendouba, chef-lieu d'une zone rurale du nord-ouest et dans la station balnéaire de Sousse (centre-est). L'association, qui sensibilise à l'utilisation du vélo comme mode de transport alternatif, mise désormais aussi sur l'atout anticoronavirus de la petite reine, qui limite la promiscuité contrairement aux transports publics bondés. Ses membres militent auprès des autorités pour la création d'infrastructures cyclables plus sûres.

La Tunisie a recensé quelque 311.000 cas de coronavirus, dont plus de 10.800 décès, sur une population de douze millions d'habitants. Des responsables des services de santé ont mis en garde ces derniers jours contre un risque de pénurie d'oxygène face à l'afflux de patients dans les hôpitaux.

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