La levée des brevets pourrait-elle accélérer la vaccination anti-Covid en Afrique ?

En se prononçant pour la levée des brevets sur les vaccins anti-Covid, les Etats-Unis voudraient accélérer la vaccination contre le coronavirus dans les quatre coins du monde. Mais est-ce vraiment possible ?

Badr Kidiss avec AFP
Badr Kidiss avec AFP
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Une chaîne de production des vaccins anti-Covid-19 (photo d'illustration)
Une chaîne de production des vaccins anti-Covid-19 (photo d'illustration)

Rien n'est encore fait ! Si la position américaine pour une levée des brevets sur les vaccins anti-Covid constitue "une remarquable expression de leadership", selon John Nkengasong, le directeur de l'Africa CDC, les laboratoires pharmaceutiques ne sont pas forcément du même avis. 

Alors que la vaccination contre le Covid-19 avance au ralenti sur le continent africain, Washington a annoncé récemment soutenir la levée des protections de propriété intellectuelle sur les vaccins contre le Covid-19, afin d'en accélérer la production et la distribution, et participer "activement" aux négociations menées en ce sens à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette prise de position intervient quelques mois après que l'Inde et l'Afrique du Sud aient présenté une proposition à l'OMC pour que certains de ses membres renoncent à leurs droits de propriété intellectuelle et à d'autres technologies sur les vaccins anti-Covid pour la durée de la pandémie. Mais les laboratoires pharmaceutiques estiment qu'une levée temporaire des brevets sur les vaccins freinerait la recherche, qui est déjà très coûteuse. 

Des réactions divergentes 

"L'histoire se souviendra de la décision prise par le gouvernement américain comme étant la bonne chose au bon moment pour combattre ce défi terrible, sans précédent dans notre histoire contemporaine", a estimé John Nkengasong, le directeur du Centre de contrôle et de prévention des maladies du continent (Africa CDC), qui dépend de l'Union africaine (UA). La directrice régionale pour l'Afrique de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Matshidiso Moeti, a de son côté salué l'annonce américaine comme un "changement de donne" pour le continent.

Mais pour Thomas Cueni, président de la Fédération internationale de l'industrie pharmaceutique (Ifpma), "supprimer les brevets ou imposer une suspension ne produirait pas une seule dose (de vaccin) de plus. C'est avant tout une question de savoir-faire". Même son de cloche du côté des groupes pharmaceutiques qui estiment que le problème n'était pas tant la propriété intellectuelle que les barrières douanières ou la pénurie de certains ingrédients et outils qui peuvent stopper net la production. Ils craignent aussi que des fabricants moins aguerris n'accaparent des matières premières et ingrédients, voire du personnel, déjà difficiles à trouver sans arriver à produire des sérums sûrs.

Un espoir pour la vaccination en Afrique, vraiment ? 

Le président Cyril Ramaphosa a salué, de son côté, une "victoire pour l'Afrique du Sud". Avant de souligner que "cela montre l'influence que nous avons en tant que pays (...), notre voix et nos messages ont du poids parce qu'ils sont rationnels, progressistes et qu'ils sont destinés à profiter aux populations de notre continent ainsi qu'aux économies en développement du monde entier". 

Si le programme Covax de l'OMS, dont l'objectif est de faciliter l'accès aux vaccins aux Etats les moins développés, n'a pas encore tenu toutes ses promesses, l'Union africaine reste confiante. Un mois après qu'elle ait lancé des partenariats pour créer cinq pôles de fabrication de vaccins en Afrique, avec l'objectif de produire localement d'ici 20 ans 60% des vaccins utilisés sur le continent (contre 1% actuellement), la levée éventuelle des brevets soutient "l'élan nécessaire pour nous permettre d'atteindre ce but, c'est un pas dans la bonne direction", souligne John Nkengasong. Avant d'ajouter que cela ne se fera pas "du jour au lendemain". 

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