Drépanocytose : "AnemiApp veut rallonger l'espérance de vie des malades"

Alors que la Fondation Pierre Fabre remet ce 15 octobre les Prix de l’Observatoire de la e-santé dans les pays du Sud, AlloDocteurs Africa a échangé avec Arnold Wogbo, l'un des lauréats. Il est le fondateur d'AnemiApp, une application qui veut faciliter le quotidien des drépanocytaires en RD Congo.

Badr Kidiss
Badr Kidiss
Rédigé le , mis à jour le
L'application AnemiApp veut faciliter le quotidien des drépanocytaires (photo d'illustration)
L'application AnemiApp veut faciliter le quotidien des drépanocytaires (photo d'illustration)

C'est un problème de santé publique majeur ! La République Démocratique du Congo est le deuxième pays africain le plus touché par la drépanocytose, une maladie génétique qui menace parfois la vie de ceux qui en sont atteints. Pour améliorer la prise en charge des drépanocytaires (nom des malades atteints par la drépanocytose), l'ingénieur Arnol Wogbo a créé Anemiapp.

Cette application met en relation les drépanocytaires kinois avec les professionnels de santé et facilite leur dépistage. Pour en savoir plus, on a discuté avec son fondateur, Arnold Wogbo, l'un des lauréats du Prix de l’Observatoire de la e-santé dans les pays du Sud de la Fondation Pierre Fabre. Il peut être fier: les gagnants, célébrés ce 15 octobre, ont été sélectionnés par un groupe d’experts parmi 78  projets, pour "leur pertinence et leur potentiel" !

AlloDocteurs.Africa : D’où vous est venue l’idée de créer cette application ?

Arnold Wogbo : J’ai travaillé avec une ONG (CMD devenue "Réseau Drépano SS"), j’étais chargé de la communication. En questionnant les drépanocytaires, je me suis rendu qu’ils avaient beaucoup de besoins :

  • La plupart d’entre eux font des crises en pleine nuit
  • Cela les oblige à aller chercher du sang, à une heure tardive pour trouver des poches de sang correspondant à leur groupe sanguin. Ils doivent souvent sillonner toute la ville de Kinshasa !
  • Même constat pour les médicaments que les drépanocytaires doivent prendre tous les jours. Il arrive que ces médicaments soient épuisés mais le malade devra quand même en trouver.
  • Plus généralement, ils ont besoin de bien comprendre leur maladie pour bien se soigner

Pour répondre à tous ces problèmes, je me suis dit de qu’il fallait créer une application !

A.D.A : Quel est l’objectif de cette application ? 

A.W : Elle va permettre aux drépanocytaires :

  • de recevoir des informations et des conseils santé qui pourront les aider à mieux vivre avec leur maladie. Ils doivent par exemple boire beaucoup, jusqu’à 3 litres d’eau/jour. Lorsque le malade atteint l’adolescence, il y a aussi des légumes comme le manioc qui doivent être consommés régulièrement pour renforcer l'organisme... Il faut savoir que la drépanocytose est une maladie très grave. Elle tue beaucoup, notamment avant l’âge de 5 ans. Les conseils santé qu’on retrouve sur l’appli ont comme objectif de rallonger l'espérance de vie des drépanocytaires et de limiter les crises liées à la maladie.
  • Avec l’application, une personne atteinte de la drépanocytose pourra aussi trouver des conseils pratiques : savoir où trouver les médicaments, les poches de sang ou encore les vaccins recommandés.
  • L'application permet aussi à la population d'identifier les endroits où il est possible d’effectuer l’électrophorèrese de l’hémoglobine (l’examen qui permet de dépister la drépanocytose).

A.D.A : Mais d’où viennent tous ces conseils santé ? 

A.W : Je travaille avec des médecins qui me proposent des conseils santé et nous reprenons les conseils "officiels" du ministère de la Santé. Je travaille aussi avec des nutritionnistes qui ont fait des recherche sur les aliments nécessaires pour les drépanocytaires. 

A.D.A : Quelle est la situation de la drépanocytose à Kinshasa ? 

A.W : A Kinshasa, les statistiques font état de 100.000 drépanocytaires dits "SS". Mais il y aurait aussi 3 millions de porteurs du gène S ! La situation est vraiment alarmante, car si ces 3 millions de personnes se mettent en couple, sans le savoir, elles pourront donner naissance à un enfant drépanocytaire. 

A.D.A : Pour le moment, l’application cible seulement les Kinois, habitants de Kinshasa, ou toute la RDC voire toute l’Afrique ? 

A.W : Pour la première phase, on a décidé de se lancer à Kinshasa puis en RDC. Après cela, notre objectif sera d’être présent dans tous les pays où la drépanocytose existe ! Pour l'instant, on se concentre sur notre phase pilote à Kinshasa. Disposant d’un "menu SMS", l’application pourra même être utilisée sur des téléphones basiques. Nous avons travaillé avec l’opérateur Orange pour faire en sorte que ce soit possible : les personnes qui n’ont pas de smartphone pourront utiliser l’application avec un code. 

A.D.A : Vous me dîtes donc qu’on n’a pas besoin d’avoir le dernier smartphone signé Samsung ou Huawei, c’est bien ça? 

A.W : Oui, il ne faut pas forcément avoir un smartphone dernier cri ! Même avec un téléphone ordinaire, le drépanocytaire pourra accéder à l’application. Pour cela, il devra saisir le code *4456# à partir d’une carte SIM d’Orange. Dans la foulée, l’utilisateur va recevoir un "menu SMS", où l’on retrouve les différentes options de l’application. 

A.D.A : C’est un service gratuit à Kinshasa ?

A.W : Non, ce n’est pas un service gratuit mais c’est très accessible. C’est moins cher que le prix d’une connexion Internet à Kinshasa. Ça revient généralement au prix d’un SMS. 

A.D.A : L’application est disponible sur toutes les plateformes ? 

A.W : Pour le moment, la première version de l’application est disponible sur PlayStore. Dans quelques jours, nous allons mettre la deuxième version sur cette boutique d'app. En parallèle, nous sommes en train de développer l’application pour qu’elle soit disponible sur toutes les plateformes. Dès que nous allons finir la mise à jour de notre application Android et notre site web et une fois que le "menu SMS" pour les téléphones ordinaires sera bien paramétré, nous irons aussi sur le terrain. Il est prévu que nous allions dans des universités, des hôpitaux, des marchés pour distribuer des flyers sur l’application. C’est une sorte de mode d’emploi. 

A.D.A : On peut espérer la version finale de l’application pour quelle date ? 

A.W : Nous espérons qu’elle soit lancée d’ici fin octobre. 

A.D.A : Que vous a apporté le prix de la fondation Pierre Fabre ?

A.W : Grâce à la fondation, nous avons pu avoir de nouveaux bureaux à Kinshasa, dans le quartier Bon Marché. C’est ici même que nous développons l’application et ses mises à jour. Avec la fondation, on va beaucoup travailler sur la communication dans les lieux publics.  

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