L’autisme est associé à la sorcellerie au Cameroun

Cette maladie qui touche plus de 100 000 enfants au Cameroun, est encore considérée comme un mauvais sort.

Fabrice Beloko
Rédigé le , mis à jour le
Un enfant autiste au Cameroun (Illustration)
Un enfant autiste au Cameroun (Illustration)

Ce samedi 19 octobre 2019, la petite Ludivine âgée de 9 ans est assise dans la cour d’une concession familiale du quartier Essos à Yaoundé. Dans sa robe rose et sur sa chaise en plastique de couleur mauve, elle ressemble à une petite fille comme une autre. En ce week-end, le lieu est bondé d’enfants qui jouent au football, aux claquettes ou à la poupée. Personne ne fait attention à elle, sauf Judith, sa mère. "Il faut que je la surveille, elle ne parle pas beaucoup. Même quand elle a faim je dois deviner ! Les autres enfants ne jouent pas avec elle, et je les comprends sans leur en vouloir", explique Judith. Un peu plus loin, le petit Gaël confirme : "ma mère m’a dit de ne pas m’approcher de Ludivine et de sa mère, ce sont des sorcières". Les accusations de ce genre, Judith en a l’habitude. "Ça ne me choque plus, dit-elle, parce que je sais ce que ma fille a".

Ludivine est autiste. Il a fallu du temps à sa mère pour s’en rendre compte. "Je croyais qu’elle était sourde. Elle ne réagissait pas au bruit. Elle pleurait peu.  Elle a mis du temps à marcher et ne regarde jamais personne dans les yeux. C’est en regardant un compte rendu au journal télévisé que j’ai reconnu des symptômes de l’autisme énoncés par un médecin ". Selon les enfants, Ludivine "n’aime pas jouer. Elle ne parle pas et ne rit jamais. Elle est toujours en train de se balancer sur sa chaise sans nous regarder".

100.000 enfants camerounais seraient autistes

Selon le ministère de la Santé publique, l’autisme touche à ce jour plus de 100.000 enfants au Cameroun. L'établissement du diagnostic et la mise en place d'une prise en charge efficace pose un vrai problème, notamment aux parents des enfants autistes. Ils doivent recourir aux spécialistes étrangers.

C’est en 2015, que le gouvernement camerounais crée l’Institut supérieur de psychopédagogie appliquée (ISPPA). Le tout premier centre qui forme les pédagogues spécialisés dans l’encadrement des enfants atteints de l’autisme. Cependant, les campagnes d’information et de sensibilisation sont régulièrement organisées pour démystifier la maladie au sein de la population. Pour la prise en charge, Dr Christelle Ngo Kana, neuropédiatre recommande "des interventions éducatives à travers des méthodes d’enseignement et d’apprentissage structurés, les stratégies comportementales et les thérapies d’habilitation". Si ces interventions se multiplient et que le regard de chacun change, Judith et Ludivine seront moins seules.

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