En Afrique, le "manque de couverture vaccinale" favorise la transmission de la polio

Loin d'éradiquer la polio, comme l'affirme l'OMS, la vaccination serait-elle responsable d'une nouvelle "épidémie mortelle" de cette maladie paralysante en Afrique ? On vous dit tout.

Badr Kidiss avec AFP
Badr Kidiss avec AFP
Rédigé le , mis à jour le
Le manque de vaccination facilite la transmission de la polio (photo d'illustration)
Le manque de vaccination facilite la transmission de la polio (photo d'illustration)

Si le poliovirus sauvage est éradiqué en Afrique, la poliomyélite (qu'on appelle aussi polio) reste présente. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé le 25 août l'éradication du poliovirus sauvage du continent africain, qualifiant cette date d'"historique". 

L'annonce, quelques jours jours plus tard, par les autorités locales de la découverte "d'au moins 13 cas de polio" au Soudan et quelques cas au Cameroun a donc suscité la surprise. Plusieurs publications virales sur les réseaux sociaux estiment que "le plan pour mettre fin à la polio sauvage se retourne contre" l'OMS et que "l'Onu a été forcée d’admettre que le vaccin financé par la Fondation Gates est à l'origine d’une épidémie de polio en Afrique". Mais la réalité est autre. Les cas récemment identifiés ont été causés par un "poliovirus de type 2 dérivé d’un vaccin".

Une mutation rare du virus contenu dans le vaccin

Ces "poliovirus circulants dérivés d’un vaccin" (PVDVc) sont distincts des poliovirus "sauvages", agents pathogènes originels de la maladie désormais éradiqués du continent africain et qu'on ne trouve plus qu'en Afghanistan et au Pakistan.

Il s'agit d'une mutation rare du virus contenu dans le vaccin. "Le vaccin est constitué d'un virus dont la virulence a été atténuée pour qu'il ne puisse induire une maladie. Lorsqu'il est administré par voie orale, (...) il y a ensuite une excrétion du virus vaccinal par les selles", explique le coordinateur des programmes d'immunisation et de vaccination pour l'OMS en Afrique, Richard Mihigo.

Dans des zones où les conditions d'assainissement sont mauvaises, il arrive que ces virus excrétés circulent. Les enfants acquièrent parfois au contact de cet environnement une "vaccination passive". Mais "dans des cas extrêmement rares, ce virus de souche vaccinale peut muter et redevenir virulent, pouvant ainsi déboucher sur des complications et causer des paralysies", résume M. Mihigo.

Un virus qui touche les populations non vaccinées 

La contamination à ce virus est "le fait d'un manque de couverture vaccinale, ce n'est pas vraiment un effet secondaire de la vaccination", estime Oliver Rosenbauer, porte-parole de l’Initiative mondiale d'éradication mondiale de la polio (GPEI). 

"Lorsqu'une population est bien immunisée, elle est protégée contre ces deux types de virus", assure l'OMS. Lors de son annonce du 25 août, l'agence onusienne rappelait aussi que "pas moins que 16 pays (de la zone Afrique, ndlr) connaissent actuellement des flambées de poliovirus circulant de type 2 dérivé d'une souche vaccinale (PVDVc2), qui peuvent se déclarer dans des communautés sous-vaccinées".

Le risque est d'autant plus grand, à l'heure où la pandémie de coronavirus (Covid-19) a entraîné la suspension de nombreuses campagnes de vaccination, dont certaines ont depuis repris. 

Par ailleurs, le mot "épidémie" ne désigne pas nécessairement un grand nombre de cas ou de morts. "Avec la polio, lorsqu'il y a un seul cas, on peut parler d’épidémie car un foyer est susceptible de contaminer un grand nombre de personnes", explique Richard Mihigo. Avant d'ajouter que "la potentialité que la maladie se transmette d'une personne à une autre, c’est la notion même d'épidémie."

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