Tour d'Afrique des faux médicaments

De Douala à Casablanca, nos correspondants nous présentent les lieux de trafic des faux médicaments. Et demandent aux Africains leur avis sur ce problème.

Badr Kidiss avec AFP
Badr Kidiss avec AFP
Rédigé le , mis à jour le
A Douala, de nombreux Camerounais se procurent des médicaments dans les "pharmacies de rue"
A Douala, de nombreux Camerounais se procurent des médicaments dans les "pharmacies de rue"  —  Allo Docteurs Africa

100.000. C'est le nombre d'Africains qui meurent chaque année à cause des faux médicaments. Au minimum... Pas étonnant : ils sont partout ! Que ce soit à Lomé, Cotonou, Yaoundé ou Abidjan, la plupart des faux médicaments, c'est-à-dire "falsifiés ou de qualité inférieure", sont écoulés sur les marchés en plein air, souvent sur des bâches en plastique posées au sol. On y trouve toutes sortes de remèdes : des anti-douleurs classiques aux antipaludéens en passant par les antibiotiques !

Certains pays africains ont beau multiplier leurs efforts pour lutter contre ce commerce illicite, le combat sera long. Et pour cause, cette contrebande serait plus rentable que le trafic de drogue ! Et les populations du continent sont souvent séduites par le prix dérisoire de ces faux médicaments... AlloDocteurs.Africa vous propose un tour d'horizon.

Quand le prix fait la loi

Au Sénégal, en plein coeur de la capitale dakaroise, il est très fréquent de se faire interpeller par des racoleurs du marché ''Keur Serigne Bi" (''maison du marabout'', en wolof). Ces derniers prétendent avoir tous les remèdes possibles. Même si les médicaments proposés sont souvent "falsifiés voire illicites, c'est-à-dire similaires aux produits vendus en pharmacie mais sortant du circuit légal de vente", de nombreux Sénégalais se procurent ces médicaments à l'origine douteuse. Au péril de leur vie.

Même son de cloche à Touba, où les "officines clandestines sont difficilement distinguables des pharmacies reconnues, vu qu'elles arborent les mêmes signes et sont plus nombreuses", nous explique le journaliste Moussa Ngom, qui a récemment réalisé une enquête sur ces faux médicaments. 

Deux à trois fois moins chers.... mais faux !

Toujours en Afrique de l'Ouest, la Côte d'Ivoire multiplie les saisies de faux médicaments. Si les Ivoiriens semblent prendre conscience du problème, ils sont encore très nombreux à acheter des médicaments dans la rue, notamment au marché Roxy d'Abidjan. Comme peu de personnes ont droit à une couverture santé, les acheteurs ont toujours l'impression de faire de bonnes affaires : les faux traitements coûtent 2 à 3 fois moins chers que les médicaments vendus en pharmacies... Il est difficile de distinguer le vrai du faux puisque l'emballage du médicament falsifié est souvent aussi bien fait que celui de l'original. Chacun semble se convaincre que ses faux médicaments... sont peut-être des vrais !

À Parakou, au coeur du Bénin, ce sont généralement les vendeuses ambulantes qui écoulent les faux médicaments. Ces marchandes attirent la clientèle grâce aux petits prix de leurs produits mais aussi parce qu'elles sont présentes dans tous les quartiers populaires et qu'on peut les croiser dans toutes les "vons", ces routes généralement impraticables durant la saison des pluies. 

Au Cameroun, "abonné" au faux

Au Cameroun, près de 40% des médicaments seraient issus de la contrebande, selon l'Ordre Nationale des Pharmaciens (ONPC). A Douala, certains habitants estiment que les médicaments de rue ne sont "pas mauvais" pour la santé. C'est notamment le cas de Sandrine, une jeune Doualaise qui pense - à tort - qu'"en pharmacie, les produits coûtent plus cher que dans la rue, à cause des charges". Des propos qui trouvent écho dans les dires de Geneviève, une vendeuse de poisson fumée : “Pour que j'aille à l’hôpital, il faut que ce soit grave. Parce que, là-bas, à la moindre chose, on te prescrit une pile d'examens à faire. Et quand tu n'as pas d'argent, le stress seul peut te tuer ! Or, quand je vais chez Docta (nom donné aux vendeurs de rue), il me compose les remèdes et je guéris". 

Un peu plus loin, dans la région de Yaoundé, Samuel est même "abonné" chez un des vendeurs de médicaments illicites à Monatélé, localité située à 76 km de la capitale yaoundaise. "Quand mes enfants ont des bobos, ils vont chez tonton Emma qui leur prescrit des médicaments en fonction de leur mal", nous explique ce trentenaire en nous emmenant chez son "docta". Après un rapide diagnostic établi oralement, ce dernier propose rapidement un traitement à ses clients. Et visiblement, son stock de faux médicaments n'a rien à envier aux plus grandes pharmacies du pays. De la boîte de Panadol à celle d'Efferalgan, en passant par les gélules, les injections ou les ampoules buvables, une pléthore de médicaments sont disposés sur des présentoirs en bois ou en acier. 

Et l'innovation concerne même ce marché du faux... qui a voulu très tôt s'emparer de l'épidémie du Coronavirus ! “Deux présentations de chloroquine issues des circuits de contrebande sont actuellement en circulation au Cameroun et se retrouveraient déjà dans certaines  formations sanitaires. Les tests de ces présentations révèlent l’absence de toute substance active pharmaceutique“, faisait savoir fin mars Rose Ngono Balla Abondo, la directrice générale du Laboratoire national de contrôle de la qualité des médicaments et d’expertise (LANACOME). Bref, on tente de soigner une pathologie sérieuse avec du "vent" alors même que le "vrai" traitement, la chloroquine, est contesté...

Au Maghreb, les cosmétiques

Si l'Afrique subsaharienne semble la plus durement touchée par le trafic de faux médicaments, le Maghreb n'y échappe pas totalement. En 2018, un faux médicament contre le diabète présenté comme un traitement miracle "100% algérien" a fait couler beaucoup d'encre avant d'être retiré de la vente.

Au Maroc, de nombreuses imitations de produits "dermo-cosmétiques", des soins pour préserver la santé et la beauté de la peau et des cheveux, inondent aussi le marché. Il s'agit généralement de crèmes pour le visage de marque française et de différents produits américains de cosmétique qui n'existent pas sur le marché officiel. Ces produits sont généralement écoulés dans les souks, à des prix défiant toute concurrence. Sans être des médicaments,  ces produits que l'on met sur le corps peuvent avoir un impact sur la santé. Il suffit de le demander à ceux qui ont fait des allergies à cause de ces produits !

Dans l'ensemble, le royaume est assez protégé du trafic de faux médicaments. Il le doit sans doute à sa "réglementation" qui est "une des plus sévères qui existent", selon Hamza Guedira, président du Conseil de l'ordre des pharmaciens du Maroc. Au niveau de vie aussi : la meilleure arme contre les médicaments, c'est de connaître leurs dangers mais aussi d'avoir les moyens de prendre soin de sa santé.

Retrouvez ici notre dossier sur les faux médicaments

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